dimanche 28 octobre 2012

De Madère à Tenerife


La traversée a commencé par une mauvaise blague. La météo de jeudi 25 octobre annonçait une brise soutenue d’W (de 20 à 25 nœuds) tournant au NW, puis crevant progressivement avant l’arrivée d’une nouvelle dépression à partir du 28, donnant des vents contraires si l’on arrivait trop tard à Tenerife. J’ai donc un peu forcé la main de mes équipiers pour partir avant la nuit, afin de faire la route au maximum à la voile. Partis à 18 heures, nous nous sommes dégagés du fetch de Madère au moteur pour trouver, au bout d’une heure, la jolie brise d’W annoncée : en fait de « jolie brise », il s’agissait d’un vent bien soutenu de 30-35 nœuds, rendant la vie à l’intérieur assez inconfortable…. Alfred cependant, au vent de travers sous GV à deux ris et trinquette, se comportait magnifiquement et avalait, à presque 8 nœuds dans une mer assez forte, les 260 milles à parcourir. Soudain, vers 22 heures, alors que nous avions fait à peu près 25 milles, j’ai réalisé que j’avais oublié au bureau du port de Madère l’acte de francisation d’Alfred….. Demi-tour immédiatement, et retour au vent de travers à la case départ, avec le sensation du reproche non exprimé de l’équipage…. J’espère arriver à me faire pardonner.

Comment se faire pardonner?

Faute avouée est (presque) pardonnée
Nouveau départ le lendemain vers 10 heures sous une brise bien atténuée et belle journée de voile sous génois. Au petit jour, la brise commençait à crever et la suite s’est faite au moteur. Dans l’après-midi de samedi, nous passions entre les Ilhas Selvagem, îles rattachées à Madère et isolées à 90 milles au nord de Tenerife ; outre les deux gardiens de phare, les seuls habitants sont les petrels qui y nichent dans le sable.

Pose devant le Pico do Veado sur Selvagem Pequena
Dimanche midi, nous voilà arrivés à la Marina del Atlantico pour prendre une bonne douche et attendre l’arrivée de Louis mardi prochain. Au programme d’ici là, messe dominicale, repos, visite de l’île avec, évidemment, l’ascension du pic de Teide, point culminant de l’Espagne (3717 mètres).

Denys et Yves: atterrissage sur Tenerife
Hasta luego!


jeudi 25 octobre 2012

L’escale à Madère


Vendredi 19 octobre à peine amarrés au ponton la marina de la Quinta do Lorde, l’équipage était convié pour l’apéro du soir à la crossing the Atlantic party où les équipiers de tous les bateaux, venant de tous les pays d’Europe mais aussi d’Australie, des USA et du Canada, se sont retrouvés autour d’un verre ; très sympa.
Avant le dîner, Thomas nous quittait pour rejoindre à Funchal Aurélie et Florentin arrivés par avion.

Clémentine, Sophie et Martin sur Standbyme

Mondanités sur les quais

Samedi, pendant que Paul et Mathilde partaient en balade pour la journée, nous restions à bord pour la remise en ordre du bateau. Le plus urgent était de résoudre définitivement le problème d’entrée d’eau par l’avant ; pendant que Dominique s’attelait à cette tâche, Catherine entreprenait une remise en ordre complète d’Alfred, avec rinçage et séchage de tout ce qui avait été trempé à bord. Après le rinçage de tous les cirés et pantalons de quart est venu le tour des gilets-harnais. Avec ardeur, Catherine plonge le premier dans la baille d’eau douce et pousse un cri : la cartouche s’était déclenchée et le gilet, gonflé comme une outre vivante, avait bondi hors de la baille. Catherine est une scientifique (sept enfants, tous ingénieurs !) ; adepte de la méthode expérimentale, elle a voulu comprendre ce qui s’était passé en renouvelant l’expérience, mais plus méthodiquement, avec une éponge : accompagnée du même cri, la deuxième outre a immédiatement bondi pour rejoindre sa sœur. Remis de nos émotions, nous avons revêtu les deux gilets pour vérifier leur flottabilité: ca marche ! Nous sommes rassurés d’avoir de bons équipements de sécurité mais quittes pour changer deux kits de déclenchement.

Help!

Au programme du dimanche, une balade à l’intérieur de l’île pour suivre la levada de Ribeiro Frio avant de conduire Mathilde à l’aéroport puis d’accueillir Clémentine qui arrivait de Paris par le même avion. Munis du guide de randonné, nous suivions les levadas jusqu’à l’heure du déjeuner, avant de les quitter pour rejoindre le point de départ : nous marchions vite car il ne fallait pas traîner pour l’avion de Mathilde. Le délicieux pique-nique a donc été avalé rapidement pour revenir au plus vite à la voiture… et c’est là que les choses se sont vite gâtées car, après plusieurs hésitations sur les chemins à prendre, nous étions … complètement paumés !

La levada de Portela, près du Ribeiro  Frio


Jusqu'ici, tout va bien....

.... mais c'est là que cela se gâte!

Mathilde et Paul, qui étaient capables de courir, nous ont laissés sur le chemin … finalement, après beaucoup de sueur, les choses se sont bien terminées pour Mathilde qui est arrivée au guichet 5 minutes avant la clôture de l’enregistrement… ouf !!! Quant à nous, nous rejoignions Paul en taxi une heure plus tard, sans avoir eu le temps de dire à Mathilde combien nous avions été heureux de sa bonne compagnie à bord.
Clémentine arrivait au même moment, tout était bien.

Clémentine et Florentin



Les espadas

Le marché de Funchal

Vue des hauteurs de Funchal

En attendant l’arrivée de nos futurs équipiers, Gérard, Yves et Denys, qui conduiront Alfred jusqu’aux îles du Cap Vert,, et pendant que Paul et Clémentine se baladent de leur côté toute cette semaine, nous passons notre temps entre les divers petites améliorations du bateau, le courrier, et un peu de tourisme, heureux de revoir quelques lieux que nous avions visités il y a quatre ans.

Zarco


Clémentine, Aurélie, Thomas, Paul et Florentin....
.... ou comment on apprend aux enfants à boire....

Une belle rue de Funchal

Gérard, Yves et Denys sont bien arrivés le soir du mardi 23 et nous avons très vite apprécié les talents culinaires de Denys : je ne sais pas si l’étape suivante sera plus ou moins agitée ou humide que les deux étapes précédentes, mais elle sera assurément gastronomique !
Nous partons ce soir pour Tenerife pour profiter du vent portant et arriver à destination avant le passage d’une nouvelle dépression annoncée en fin de semaine.

Gérard, Denys et Yves, nos équipiers jusqu'au Cap Vert


mercredi 24 octobre 2012

De Lisbonne à Madère


Adieu à la tour de Belém...

et à la place du Commerce

Cette relation de notre traversée de Lisbonne à Madère commence par une amende honorable envers nos trois équipiers, Mathilde, Thomas et Paul : Il leur avait été vendu, pour les attirer, une traversée sereine, poussée par les « alizés portugaises », avec une brise soutenue mais raisonnable, portante de bout en bout sur le trajet. La réalité, entre le marteau d’Eole et l’enclume de Poséidon, a été assez différente : nous avons vécu ensemble, pendant 4 jours et 4 nuits une belle expérience maritime…. J’espère néanmoins qu’ils ne retiendront que la « belle expérience » et me pardonneront cette tromperie bien involontaire.

Tout est bien arrimé pour le départ....

.... évolution du bel ordonnancement...
Nous avons un peu précipité notre départ de Lisbonne le lundi 15 octobre, à l’annonce de la météo des fichiers GRIB qui prévoyaient, pour la fin de la semaine, un coup de vent sur Madère, avec des vents contraires de SW ; il fallait que nous arrivions avant, donc partir tout de suite.



Peu après l’arrivée de Mathilde, Thomas et Paul à l’heure du déjeuner, Alfred quittait le dock d’Alcantara lundi vers 16 heures. Après un dernier salut à la Place du Commerce (la plus belle place d’Europe selon Valéry Larbaud), puis à la Tour de Belém, le bateau prenait son cap au 230° vers Madère, au grand largue à 7-8 nœuds jusqu’à la nuit. Après le passage du rail, peu encombré, la première nuit s’est achevée dans la calmasse, au moteur, et le Cap de Roca (la pointe la plus occidentale du continent européen) était perdu de vue avant minuit : adieu l’Europe, notre voyage commence vraiment !




Au matin du 16, le vent contraire s’est levé (vent debout !), bien avant les prévisions GRIB. Nous sommes partis alors pour 36 heures de plus près, bâbord amures au 250°-280° puis tribord amures au 180°-205°. Le bateau marchait bien, avec un vent constant de 20-25 nœuds tournant à l’W, grand voile à un ris et génois n°3.

Dans l'action,...

et après l'action.

Dans la nuit du mardi 17, cependant, étant tribord amures, nous avons constaté les mêmes entrées d’eau que celles que nous avions subies pendant la traversée du golfe de Gascogne, avec un bateau lourd de l’avant, soulageant mal, malgré le déplacement de poids fait à l’escale de Lisbonne. Manifestement, le colmatage des fuites des hublots de pont n’était pas suffisant et le diagnostic n’était pas le bon…



Les 48 heures qui ont suivi le passage du front froid dans la nuit du 18 octobre, avec une brise adonnante de plus en plus forte, ont permis de faire route directe sur Madère au 240°, avec un triangle avant très réduit et une grand voile au 2ème ris. Alfred marchait alors assez vite (7-8 nœuds) tribord amures, mais avec un pont inondé en permanence et des entrées d’eau qui rendaient la vie à l’intérieur difficile… Mais cela n’aura pas entamé le moral de nos équipiers qui ont été super, ni la gaieté permanente Mathilde, ni les talents culinaires de Thomas (ah !, l’omelette de jeudi soir !), ni le souci de Paul de rappeler avec constance l’heure de l’apéro du soir (bière fraîche et zakouskis), quelles que soient les circonstances… circonstances pourtant rudes, avec, dans la nuit du jeudi au vendredi, plusieurs grains très violents de force 9 (plus de 45 nœuds) et le ciel illuminé d’éclairs.

Thomas barre dans le grain...

...puis prépare la ratatouille

La pêche du jour: un calamar trouvé sur le pont .

Maaammaann!!

Mathilde aux peluche avec le sourire en prime.


Le cap Sao Lorenço

L’île Porto Santo était reconnue au jour vendredi matin et nous passions vers 15 heures la pointe de São Lorenço (pointe E de Madère) avant de nous amarrer à un ponton de la marina de Quinta do Lorde, car le port de Funchal était plein. Dès notre arrivée, une « crossing the Atlantic party » était organisée entre tous les navigateurs de passage de toutes nationalités qui sont dans le port, chaque équipage apportant sa bouteille et ses amuse-gueules à partager ensemble. Il était agréable de se laisser aller à l’illusion que cette ribote était faite en notre honneur….
Même si l’endroit n’est pas très rock n’ roll, nous sommes bien dans cette marina de Quinta do Lorde. C’est un village chic construit de toute pièce, une sorte de Port Grimaud à flanc de falaise, implanté à l’extrémité E de l’île, dans une partie désertique.


Arrivée à Quinta do Lorde

Au total, nous avons parcouru en ligne directe environ 520 milles en 4 jours (5,4 nœuds de moyenne), avec une première moitié au plus près à 4 nœuds en ligne droite, et une deuxième moitié au largue à 6-7 nœuds. Pratiquement, nous avons sûrement fait plus de 700 milles sur la route réelle.
- la première observation est qu’Alfred se comporte très bien dans la grosse brise (plus de 30 nœuds), en étant très raide à la toile. En outre, l’éolienne joue bien son office et étale parfaitement la consommation en énergie du pilote automatique, voire du frigo.
- l’enseignement principal concerne l’entrée d’eau qui m’aura un peu miné le moral pendant ces 4 jours. Nous espérons l’avoir désormais vraiment identifiée : les trous d’évacuation du puits à chaîne à l’avant étaient partiellement colmatés et l’eau s’évacuait mal, de sorte que, dans la mer formée, le compartiment ne s’évacuait pas. Alfred traînait donc en permanence quelques 200 litres (200 kilos !) de flotte à l’avant, ce qui explique le mauvais comportement du bateau. De plus, dans ce compartiment se trouve le guindeau (installé à Lisbonne il y a 4 ans) alimenté par des câbles électriques qui traversent la cloison qui aurait dû être étanche…. elle ne l’était pas, ce qui explique cette entrée permanente d’eau , en particulier quand le bateau gîtait sur bâbord.

Bon canote!

J’en tire deux leçons. D’abord, malgré la précipitation du départ, je n’ai pas pris la précaution de visiter le puits de chaîne avant le départ de la Trinité ; j’aurais constaté qu’il n’était pas propre. Ensuite, et surtout, j’aurais dû aller au bout de mes investigations, lors de l’escale à Lisbonne, sur l’origine de cette entrée d’eau qui nous avait déjà gâché la traversée du Golfe de Gascogne, et ne pas me contenter d’une explication liée à l’étanchéité des hublots de pont.

Clémentine
Clémentine, qui est venue rejoindre Paul à Madère pour une semaine, nous dit que cela lui paraît normal : il faut bien deux étapes pour bien mesurer les faiblesses et les manques du bateau et y remédier. Nous voulons bien la croire et penser qu’une troisième étape ne sera pas nécessaire et, en attendant, nous rêvons d’un bateau étanche… (ah, naviguer dans une bouteille !).

La mère Denis étend son linge


vendredi 19 octobre 2012

Arrivée à Madère

Quatre jours(et surtout quatre nuits) séparent les deux photos qui suivent......

Le départ confiant, au dock d'Alcantara à Lisbonne, lundi 15/10  à  16 heures

Les survivants, à Madère, au port de la Quinta do Lorde, vendredi  19/10  à 17h

lundi 15 octobre 2012

Escale à Lisbonne

Saint Louis des Français, Lisbonne avant le tremblement de terre

Lundi matin, le soleil est radieux au-dessus de Lisbonne et nous voyons passer au-dessus du dock d’Alcantara les avions qui vont nous amener nos nouveaux équipiers, Mathilde, Paul et Thomas. C’est bon signe, car les avions, passant au-dessus de la ville en phase d’atterrissage, indiquent que le vent est de secteur Nord, ce qui est le plus habituel : nous aurons donc du vent portant pour nous conduire à Madère.

La bacalhau de la casa do Alentejo

Flanerie sur l'avenida da libertade

Pendant que nos équipiers nous rejoindront en taxi, Catherine ira faire les dernières courses de pain, fruits etc. et poster les cartes postales écrites, comme c’est l’usage, au dernier moment, sur la patte de l’ancre ; pendant ce temps, je rangerai le bateau et irai faire une petite inspection en tête de mât.

La gare d'Oriente de nuit

Notre séjour à Lisbonne a été un merveilleux moment, partagé entre les petits travaux à faire à bord (modification du chargement, étanchéité des hublots, remplacement d’un winch du cockpit…) et revoir ces lieux qui nous ont tant enchantés, sans oublier les grands moment culinaires comme les obligatoires pasteis de nata de Belem et la messe à Saint Louis des Français. Surtout, nous avons eu la joie de revoir beaucoup d’amis très accueillants. Catherine a été touchée de participer au groupe de prière des mères qu’elle avait initié il y a quatre ans.

Un instant de recueillement devant les pasteis de nata!

Coucher de soleil à Jeronimo
Nous devions partir mardi matin (16/10) mais avons décidé d'appareiller dès que nos équipiers seront là, car si le vent nous est favorable en début de semaine, une dépression assez creuse est annoncée sur le Portugal à partir de vendredi, avec des vents contraires assez forts, et nous serons contents d’être arrivés à Madère avant…. Un arrêt est prévu à Porto Santo, île située à une trentaine de milles avant Madère et où Aurélie, la femme de Thomas, devrait nous rejoindre en ferry avec son bébé ; nous allons voir avec nos équipiers avant de partir si nous maintenons cette escale…

Nathalie à la manœuvre avec ses futurs marins: Matthieu, Corentin et  Marion
The EMSA's STCW team (a part of...): Laureano, Antonio, Mircea, Spaska, Margarita, Caterina, Jaime (& myself)