lundi 23 octobre 2023

La Trinité – Porto : Un golfe de Gascogne à la hauteur de sa réputation !

L'équipage du départ: Alexandre et Marie de Villers, Pierre Le Tarnec et Bernard Sorin

Mercredi 11 octobre à 10 heures, Alfred est au « ponton visiteurs » de la Trinité où il vient de passer trois semaines à se remettre d’aplomb pour son nouveau voyage : d’abord une descente vers le Sénégal où il restera au mois de décembre pour poursuivre l’engagement pris l’année dernière au service de l’ONG ‘’Voiles Sans Frontières’’ (VSF) au Sine Saloum, puis, après la pose de Noël, il repartira de l’autre côté de l’Atlantique vers les Antilles, en particulier une exploration de l’Archipel des Bahamas, avant de revenir en juin à la Trinité sur Mer. Notre Dame de Bon Port, patronne de notre paroisse de Nantes, qui nous a couvert de sa protection lors de nos précédents voyages, nous accompagne.

La préparation du départ a été une longue affaire. Certes, Alfred était rentré en bon état de son périple africain mais il a fallu remédier à quelques petites faiblesses : le capot du radeau de survie disparu malencontreusement au fond de la Casamance a été refait, l’électricité du bord est révisée et désormais tous les feux du mât fonctionnent correctement, l’annexe qui avait souffert au Cap Vert est gonflée à bloc et ne fuit plus, l’antenne VHF et le boîtier AIS ont été changés et, désormais, Alfred pourra être suivi sur MarineTraffic. Enfin, Catherine, en bonne mère de famille nombreuse, a préparé un approvisionnement conséquent en vivres pour 8 mois de voyage. Alfred embarque en outre tout un chargement destiné au Sine Saloum qui occupe toute la cabine avant bâbord : du matériel ophtalmo apporté par Thierry, des clôtures électriques pour protéger les cultures maraîchères de la voracité des chèvres, du tissu et des vêtements pour les albinos et des maillots de foot offerts par l’ONG ‘’Electriciens sans Frontières » pour les équipes de Moundé et de Diogane….

Le skipper, dans son habit de lumière, prépare Alfred pour son long voyage

Charles Tesson de VSF nous apporte une partie du chargement destiné au Sine Saloum

Nous accueillons à bord notre équipage pour cette première traversée à destination de Lisbonne que nous n’atteindrons pas ; tous font la connaissance d’Alfred pour la première fois, : nos cousins Marie et Alexandre de Villers, Bernard Sorin, voisin de Ker Biren, qui nous retrouvera avec son épouse Sophie entre Saint Domingue et les Bahamas, et Pierre Le Tarnec, un autre ami de la Trinité, qui nous rejoindra avec Virginie en janvier entre le Sine Saloum et les îles du Cap Vert.

Alexandre, Marie, Pierre et Bernard

La météo n’est pas absolument idéale : une dépression est annoncée pour vendredi et, après avoir contourné Belle-Ile par l’Ouest, nous faisons le maximum de route vers le Cap Ortegal en Galice avant que celle-ci ne nous atteigne. L’équipage s’amarine, plus ou moins rapidement pour certains, mais le moral est bon grâce à Marie qui nous mitonne de délicieuses ratatouilles quel que soit l’état de la mer. La dépression annoncée nous cueille dans la nuit de jeudi, ce qui nous amène à réduire progressivement, jusqu’à 3 ris dans la grand-voile et trinquette, dans la matinée du vendredi 13.

Une entrée dans le Golfe de Gascogne sourire aux lèvres....

.... et puis... ça se gâte...

Le bateau est lourd et enfourne et nous connaissons le grand désagrément d’une entrée d’eau par l’avant qui nous oblige à écoper ; la même mésaventure qu’il y a 11 ans lors du premier voyage d’Alfred : le puits à chaîne se remplit et permet à l’eau de mer d’entrer à l’intérieur du bateau par le passage du câble d’alimentation du guindeau que nous avions pourtant bien étanché à cette occasion. Nous comprendrons par la suite cette tare originelle de notre cher Alfred : les anguillers du puits à chaîne sont trop petits pour permettre à l’eau de s’évacuer rapidement quand la plage avant est inondée par gros temps ; cela sera rectifié à la première occasion.

L'entrée dans le Douro

Chantier naval des bords du Douro où sont construites les barques fluviales de transport du vin de Porto

Après cette première dépression, le vent est plus favorable et nous dévalons le long de la côte de Galice sous grand-voile et génois tangonné, entourés de nombreux dauphins qui sautent autour de nous et nous assistons à plusieurs reprises à des chasses de Fous de Bassan spectaculaires. Belle navigation toute la journée du samedi 14 pour contourner la pointe de la Galice et le Cap Finisterre plein vent arrière sous bonne brise, Alfred file à plus de 7 nœuds. Pourtant, la météo annonce une période de passages de fortes dépressions qui nous amène à modifier nos projets : nous n’aurons pas le temps d’atteindre Lisbonne avant les tempêtes annoncées et décidons donc de nous arrêter à Porto où nous laisserons Alfred pendant la période de la Toussaint avant de reprendre notre périple vers le 10 novembre.

Marie et Alexandre dans le téléphérique qui nous monte vers la ville haute


Au large du Cap Finisterre, à une centaine de milles de Porto, une nouvelle dépression nous inflige des vents contraires et nous faisons route en nous aidant du moteur pour arriver au plus vite : la plaisanterie a assez duré ! Mais la poisse nous poursuit … vers 1 heure du matin le dimanche ; alors que Bernard est de quart, une alarme indique une chute de pression d’huile : le moteur qui vient d’être révisé a consommé 5 litres d’huile en 60 heures ! Nous sommes donc contraints de louvoyer péniblement, moteur stoppé, jusqu’aux passes de l’entrée du Douro que nous franchissons lundi 16 octobre à 5 heures du matin. Quelques heures après notre arrivée, la tempête arrive sur les côtes du Portugal et l’accès au port de Porto, difficile par gros temps, se ferme derrière nous.

Marie admire les azulejos du cloître de la cathédrale de Porto


Vue des toits de Porto du haut du clocher de la cathédrale

Escale technique donc à Porto avec une première urgence : remettre le moteur en état. Le diagnostic donné au téléphone par notre excellent mécanicien marine de Locmariaquer, AMR Rio, se confirme : l’échangeur de refroidissement de l’huile moteur a une fuite et notre huile s’en va dans l’échappement du moteur. Ceci sera réparé pendant l’escale par un mécanicien de Porto, ‘’Dismotor-comércio’’ et nous reprendrons un bateau complétement opérationnel début novembre.


Les azulejos ''kitch'' de la célèbre gare de Porto

Pour nous remettre de cette traversée un peu rock’n’roll, nous passons une belle après-midi de lundi à visiter Porto, la ville des tripeiros, les mangeurs de tripes, et nous célébrons la fin de cette traversée bien sportive dans un restaurant des rives du Douro pour un bon moment d’amitié en savourant la gastronomie locale.

Repos de l'équipage avant d'aller déguster, pour un dîner sur les bords du Douro,
les fameuses ''tripas à moda do Porto''

Le célèbre pont Dom Luis construit par Theophile Seyrig, disciple de Gustave Eiffel

  

mardi 30 mai 2023

Retour à Bon Port… et Invitation au Voyage…

 

David, Antoine, Grégoire et Bruno à l'arrivée à la Trinité

Mené par Grégoire, Alfred arrive dimanche 21 mai dans l’après-midi retrouver son corps-mort dans le port de la Trinité-sur-Mer. Grégoire Mouly, notre neveu et navigateur très confirmé, a rejoint Alfred le 8 mai à São Miguel aux Açores. Pour le convoyage du retour vers la Trinité, il a constitué un équipage d’amis marseillais, tous bons marins, Bruno Guers, Antoine Plane et David Abitboul. Avant de les quitter à Ponta Delgada, j’ai le temps d’assister au chargement de leur approvisionnement qui augure une traversée gastronomique, animée par des équipiers qui semblent très investis dans la question !

Leur traversée, avec une météo qui leur est peu favorable avec une dorsale anticyclonique très installée entre les Açores et l’Irlande, sera plus longue que ce qu’ils auraient pu espérer et ils mettront pratiquement 11 jours pour parcourir les quelques 1300 milles de leur trajet, au plus près en permanence en dehors des périodes de calme au cœur de l’anticyclone qui leur barrait la route. Heureusement, la soupe était bonne et variée ainsi que les journées accompagnées de nombreux bancs de dauphins ainsi qu’un groupe de sept baleines au milieu de la traversée.

Merci à Notre-Dame de Bon Port (notre paroisse de Nantes)

Alfred est maintenant arrivé à bon port, en pleine forme après ce long voyage de presque 10.000 milles nautiques (9.922 précisément) effectué en huit mois (17 sept. 2022 - 21 mai 2023). Après les soins de ses quelques petits bobos très mineurs, nous caressons le projet d’un voyage prochain vers les Bahamas…

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble ! (…)

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.(...)

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.(...)

L’Invitation au Voyage Charles Baudelaire


dimanche 30 avril 2023

Croisière aux Açores : Faial, São Jorge, Terceira, São Miguel

Un nouvel équipage pour les Açores, Baptiste et Claire (photo prise à São Miguel) 

Baptiste redonne des couleurs à notre fresque d'Horta

Et voilà le travail!!

Dimanche 23 avril, Alfred est au repos à Faial, dans la marina d’Horta et nous avons eu largement le temps de réparer ses quelques petits bobos depuis notre traversée depuis le Cap Vert. Mon neveu Baptiste Laurent, venant de Madrid, m’a rejoint depuis le 19, il a pu faire une belle excursion en scooter autour de l’île de Pico voisine puis raviver et mettre à jour la superbe fresque « taslbonjourdalfred » qui décore le quai de la capitainerie, en prenant le temps, entre les couches de peinture, de nous attabler plusieurs fois au Peter Café Sport. Claire d’Arcimoles, autre nièce, est arrivée aujourd’hui après un voyage un peu long mais économique (un autocar + trois avions !) et nous sommes désormais un tout petit équipage prêt à pigouiller dans les îles de l’archipel des Açores jusqu’à notre destination, l’île de São Miguel.

Les vignes de l'île de Pico


L'usine baleinière de São Roque à Pico

Batiste tombe en arrêt devant cette Vierge de Pico aux yeux globuleux

Claire devant la caldeira de Monte Guia à Faial

Ponta dos Capelinhos

Vue de Horta

Avant le départ, nous partons le lundi pour une excursion en voiture autour de Faial. Premier arrêt au sommet du Monte da Guia qui surplombe Horta avec une magnifique vue plongeante sur les deux cratères jumeaux envahis par la mer, formant une belle crique en forme de cœur, puis nous partons vers la Ponta dos Capelinhos à l’extrémité ouest de Faial, le site le plus spectaculaire de l’île. Après la visite du musée de l’éruption de 1957 et celle du phare enseveli par les cendres, nous allons piqueniquer au bord de l’eau dans les rochers. Retour au bateau en faisant le tour des admirables points de vue du nord de Faial.


Claire intervient dans la mâture d'Alfred

Appareillage de Faial

Baptiste et Claire devant Pico bien dégagé

Mardi 25 avril, tandis que tout le Portugal commémore l’anniversaire de la ‘’Révolution des œillets’’ de 1974, nous appareillons vers 11 heures du port désert et silencieux d’Horta pour faire route vers l’île de São Jorge à 20 milles au Sud ; nous arrivons dans l’après-midi au port de Velas, tout aussi désert et silencieux qu’Horta. Silencieux ? pas tout le monde ! A la nuit, nous sommes fortement sonorisés par les cagarros, ces oiseaux de mer migrateurs venus d’Afrique, puffins cendrés qui nichent entre avril et septembre dans les falaises des îles des Açores. Le port de Velas est blotti au cœur de ces hautes falaises et nous sommes ‘’bercés’’ toute la soirée par leurs chants troublants qui ressemblent à des pleurs de bébés.

Baptiste et Alfred à Velas

Fin d'après-midi au port de Velas

Les admirables formes des baleinières des Açores

Tour de São Jorge en voiture le mercredi 26. L’île, longue de plus de 50 km mais très étroite, constitue un épi rocheux bordé de falaises hautes de plus de 400m, au sommet duquel s’étend un large plateau de prairies d’où émergent ici et là des volcans et où paissent tranquillement de nombreuses vaches bien nourries qui produisent le trésor de l’île, le queijo São Jorge. Contrairement à ses voisines, Faial et Pico, la pêche à la baleine n’y a pratiquement pas été pratiquée. Nous commençons notre balade par la pointe ouest de l’île, Ponta dos Rosais, promontoire impressionnant surplombé par un phare juché à 400 mètres au-dessus du vide, désaffecté depuis un tremblement de terre en 1984.

Ponta dos Rosais



Piquenique à la  Fajã dos Cubres


Vue sur la Fajã dos Cubres et la Fajã da Caldeira de Santo Cristo au deuxième plan

Vue de Pico à contre jour depuis São Jorge

Puis nous longeons la côte nord de l’île nous arrêtant régulièrement aux divers points de vue au-dessus des «Fajãs», grandes coulées de laves très anciennes débordant de la haute falaise et sur lesquelles sont construits de tout petits hameaux au ras de la mer où vivent quelques familles ; la Fajã do Ouvidor, la Fajã dos Cubres où nous nous arrêtons le temps d’un piquenique, puis la Fajã da Caldeira de Santo Cristo. Nous revenons par la côte sud et, après un arrêt dans la petite ville de Calheta, sommes de retour au port de Velas où nous attendent les cagarros pour enchanter notre dîner et nous accompagner dans notre sommeil.

Cagarros! , Cagarrinhos!!!



Arrivée en fanfare à Terceira à plus de 7 noeuds !!

Angra do Heroismo

Appareillage le jeudi 27 vers 8 heures pour une navigation de 52 milles vers Terceira ; nous longeons d’abord la longue côte de São Jorge pendant une vingtaine de milles avant d’abattre vers Angra do Heroismo où nous arrivons grand-patin l’après-midi à plus de 6 nœuds de moyenne, sous une brise fraîchissante, grand-voile à 2 ris et génois roulé à moitié.

L'église et l'esplanade qui domine le port d'Angra do Heroismo

Vasco de Gama

Angra do Heroismo

Le monument à la fin de la guerre civile le 24 septembre 1834

Angra, capitale historique des Açores, fut même capitale du Portugal vers 1830 pendant le court épisode de la guerre civile et fratricide entre les deux fils de Jean VI, le libéral Pierre, final vainqueur, et l’absolutiste Miguel, et reçut pour cela le qualificatif flamboyant ‘’do Heroismo’’. Nous passons la journée du lendemain à visiter cette magnifique ville inscrite au patrimoine mondial de l’humanité : nous déambulons dans les rues charmantes qui toutes débouchent sur la mer et visitons quelques monuments dont le Palácio dos Capitães Generais, ancien siège du gouvernement, ainsi que le couvent des clarisses et son admirable église São Conçalo.

Pose déjeuner dans une rue de Angra


Belle représentation de la Vierge, protectrice des marins, pour les processions

L'église du couvent des Clarisses à Angra do Heroismo


Départ pour une nuit en mer, cap sur São Miguel

Nous repartons en fin d’après-midi le vendredi 28 pour parcourir dans la nuit les quelques 95 milles jusqu’à notre destination finale, l’île de São Miguel, et y arriver avant un fort coup de vent qui s’annonce samedi soir. La brise est bien fraîche, nous appareillons sous grand-voile à 2 ris et trinquette. Après le dîner en mer, Baptiste assure un premier quart jusqu’à 2 heures du matin, agité mais confortable sous la Lune et un ciel dégagé ; en même temps que sa relève, il me transmet un temps qui se couvre jusqu’à une pluie bien dense mais un vent mollissant qui permet de renvoyer toute la toile jusqu’à Ponta Delgada où nous arrivons en fin de matinée le samedi 29. L’après-midi est largement consacrée à une bonne sieste réparatrice de la nuit en mer.

Igreja do Colégio à Ponta Delgada


Nous voici donc à Ponta Delgada, terme de notre croisière ; c’est le grand week-end du 1er mai, la ville est un peu endormie et ouverte aux nombreux touristes qui se promènent. La journée du dimanche est consacrée à une visite de la ville et nous profitons largement de la gratuité des musées en ce jour de fête : le Convento Santo André, la Igreja do Colégio et son exposition d’art sacré et enfin le musée océanographique essentiellement dédié aux travaux menés aux Açores par le Prince Albert 1er de Monaco sur ses différents yachts.

Lagoa dos Sete Cidades

L'hotel ''Monte Palace'' en ruines aux Sete Cidades


Lundi 1er mai, nous louons une voiture et Baptiste nous conduit pour une grande balade autour de l’île ; le temps est menaçant mais nous arrivons à temps au sommet de l’immense caldeira qui offre une vue magnifique et dégagée sur le Lagoa dos Sete Cidades rendu célèbre par les aventures de Blake et Mortimer. Le temps est à la pluie et interrompt notre piquenique que nous finissons enfermés dans la voiture puis nous allons nous réfugier dans les eaux chaudes, jaillies du centre de la terre, du grand bassin du parc botanique de Furnas à l’Est de l’île. Après un long bain émollient, nous rentrons complètement amortis à Ponta Delgada pour un dernier apéritif copieux et dînatoire sur Alfred pour fêter cette fin de croisière et faire nos adieux à Baptiste qui nous quitte le lendemain matin ; Claire, quant à elle, reste encore deux jours à São Miguel.


Andrea et Bernardo, amis de Baptiste, qui accueillent des artistes
au Pico do Refugio à São Miguel 

Baignade dans les eaux chaudes du jardin botanique de Furnas

Vues du jardin de Furnas

Je reste à bord jusqu’au 10 mai pour préparer le futur appareillage d’Alfred, confié à mon neveu Grégoire Mouly et son équipage pour son retour en Bretagne où il passera l’été avant - qui sait ? - un nouveau départ en voyage.

Merci au Portugal pour cette belle croisière dans les archipels
lusophones de l'Atlantique: Madère, Bijagos, Cap Vert et Açores