samedi 24 janvier 2015

Noël en pays vezo


Vue de notre appartement à l'heure du petit déjeuner: depuis l'arrivée de Catherine, notre intérieur est devenu très cosy.

Depuis l’arrivée de Catherine, il y a un mois, le temps s’est écoulé à toute vitesse : temps d’émotion au moment de la naissance de Chloé, temps de Noël passé dans la Communauté d’Antsirabé, temps de vacances passé à Belo-sur-mer en pays vezo, puis retour au travail au chantier de Tana.

Chloé à son premier jour et sa jolie maman

Heureux papa!

Avant de quitter Nantes, Catherine avait pu faire la connaissance de la petite Chloé qui, malgré l’impatience de sa maman, avait décidé de faire tranquillement son entrée en scène à Nantes au jour prévu, le 13 décembre 2014. Heureusement, nous sommes désormais relié à internet, ce qui nous permet de « skyper » de temps en temps avec notre dixième petite-fille, si mignonne, en attendant de pouvoir l’embrasser « pour de vrai » après notre retour en avril.


Le ballet des scieurs de long...

Ils scient les planches qui serviront aux coffrages du chantier; ils sont rémunérés à la planche produite.


Le chantier de Tana s’est arrêté pendant quinze jours entre Noël et le jour de l’an, temps d’un repos bien mérité pour l’équipe des maçons de Jean-Baptiste, qui n’avait pas décroché depuis un an.
Nous avons donc décidé de profiter de ce temps pour une escapade maritime chez les Vezo, ce peuple de marins malgaches qui navigue sur la côte ouest de la Grande Ile, de Majunga à Tuléar, à la pêche sur des pirogues à balancier, ou au cabotage sur des boutres et des goélettes. Notre but était Bélo-sur-mer, à une petite  journée de navigation au Sud de Morondava, où sont construits ces boutres.

Le Père Henri célèbre la messe de Noël dans la chapelle du Foyer d'Antsirabé

Sur la route de Morondava, nous nous arrêtons pour fêter Noël au foyer de la Communauté à Antsirabé. Deux jours très joyeux où nous avons la joie de retrouver les frères de la Communauté du Chemin Neuf. Nous sommes heureux de retrouver aussi le calme et la paix de la vie à Antsirabé après le stress et la vie compliquée de Tana avec sa foule grouillante et ses embouteillages.


Petit manège proche de la gare des taxis-brousse ; contrairement aux leurs, son moteur ne tombe jamais en panne!

Départ en taxi-brousse  le 26 décembre pour une journée complète : heureusement, nous avons les deux places de devant près du chauffeur (nous n’aurons pas la même chance au retour qui sera une vrai galère…). Après une courte nuit à l’hôtel "Trécigogne" de Morondava, proche du port des boutres, où nous avions dormi il y a 8 mois avec Pierre, Cécile et Félix, nous nous mettons dès l’aurore en quête d’un transport pour rejoindre Bélo-sur-mer à 30 milles au Sud : 6 à 8 heures en pirogue, une journée en boutre si tout va bien… Ce sera finalement la pirogue de Vévé.


Le port de boutre de Morondava au petit matin.

Pirogue vezo à balancier pour une navigation de la journée

Le temps est clément pour passer la barre de la sortie du port de Morondava, puis le vent, forcissant avec le soleil, nous fera arriver à fond les manettes (9 nœuds) sur la plage devant l’hôtel "Entremer", vers 1 heure de l’après-midi. Sur le trajet, coincés assis au fond de la pirogue, nous aurons le temps de cuire à point sous le soleil à la verticale : coups de soleil garantis !

Bélo-sur-mer en vue, à fond les manettes à 9 noeuds!...

... sous la conduite experte de Vévé, tandis que Catherine cuit sous le soleil au zénith.

L'accueil chaleureux de Laurence à l’hôtel Entremer.

L’accueil de Laurence à l’hôtel Entremer est délicieux et nous en profitons pleinement entre deux balades. L’hôtel est isolé entre la lagune de Bélo où s’abritent les bateaux et où sont construits les boutres, et la mer du Canal du Mozambique qui borde la plage magnifique avec une eau à 34°… presque trop chaude.

La vue depuis l'église de Bélo invite à la contemplation ou à l'évasion ... au choix.

Débarquement des morceaux de "bois dur", de toutes formes, qui serviront à la confection des couples et des varangues.

Couturière sakalave au travail ; elle porte un masque de beauté qui ne lui enlève pas son sourire.

Les femmes vezo vont vendre les poissons qu'ont ramenés leurs maris

De l’hôtel, nous alternons les promenades au village, aux salines, à 5 kilomètres en suivant le plage, et surtout dans la lagune où sont construits ces fameux boutres : nous en avons dénombré une trentaine en construction. Chaque boutre est construit par son propriétaire, qui se fait aider par quelques charpentiers s’il en a les moyens. La construction peut ainsi durer plusieurs années en fonction du nombre de travailleurs et surtout de l’achat du bois pour le construire.


Boutre en construction.

La lagune de Bélo à marée basse ; quatre mètres de marnage.

Enfants vézo, tous futurs marins.

Ce savoir-faire, apporté dit-on par deux frères, marins bretons échoués à Belo au milieu du XIXème siècle, avant la colonisation, a perduré tel quel jusqu’à aujourd’hui ; c’est ce qui nous permet de voir aujourd’hui ces goélettes franches d’un autre âge, portant facilement quelques 200 m2 de voiles portées par des gréements de grande hauteur où rien ne manque : cornes, mâts de flèche à balestrons, haubans, marocains et chouques un peu  bricolés pour faire tenir debout l’ensemble : magnifique et impressionnant !

Etuve vezo pour le ployage des bordés à chaud; on l'humecte d'eau et d'huile pendant qu'il ploie en douceur.

Un beau morceau de 20 mètres de long.

Façonnage des pirogues à balancier monoxyle dans un bois blanc tendre et très léger.

Nous nous sommes régalés à visiter les chantiers de construction de ces beaux bateaux, dont les plus grands avaient une coque longue de 18 à 20 mètres, et à échanger avec ces marins-charpentiers : un vrai bonheur…


La pause du charpentier sur son lieu de travail ...

... et celle de la charpentière sur le sien. L'hôtel Entremer est situé sur une langue de sable entre la lagune et la mer; notre paillote est à gauche.

Bosquet de palétuviers au milieu de la lagune de Belo.
Nous prévoyions de rester à Belo pour le premier janvier, mais l’imminence d’une tempête tropicale nous obligeait à repartir plus tôt pour ne pas risquer de rester coincés plusieurs jours sur place (en saison des pluies, la piste est impraticable, seul l’accès par mer est possible)..

Les "goélettes" aux gréements francs, immenses et frêles, qui portent 200 m2 de toile.

Façonnage du vaigrage à l'herminette.
Départ donc le 31 au matin (5 heures !) pour Morondava ; faux départ, car une demi-heure après le départ de la plage, au passage de la barre, la pirogue se remplit d’eau d’un seul coup ; nos sacs flottent dans la pirogue et nous arrivons à sauver l’Ipad : Vévé ne veut pas continuer et, sans nous donner vraiment le choix, rebrousse chemin et nous incite à prendre la pirogue du curé de Belo, une grande pirogue à moteur. Ce dernier, homme de Dieu sans aucun doute, sait aussi négocier la location de son esquif quand son client est un vazaha et que nous sommes le 31 décembre! Nous ne doutons pas que le prix prohibitif imposé ira aux œuvres de sa paroisse et permettra de renouveler sa toiture, son clocher et peut-être la cloche.... Après une nouvelle traversée mouvementée, nous arrivons à la nuit à Morondava et serons endormis à l’hôtel Trécigogne quand sonneront les 12 coups de la nouvelle année : Que Dieu soit loué et le curé de Belo remercié !


Plongée à Bélo pour le  sourire "halloweenesque" et accueillant des bénitiers...

.... une rencontre rare : un poisson-lion ou pterois volitans ou rascasse volante, de la famille des  scorpaenidae  (poissons-scorpions).

Nouvelle galère le lendemain pour prendre le taxi-brousse du retour vers Antsirabé : le seul qui parte ce jour-là est bourré à craquer et continue d’embarquer des passagers. A 100 kilomètres de l’arrivée, il n’a plus de pneu de rechange et doit s’arrêter tous les 5 km pour refroidir le moteur ;  serrés comme des sardines, nous arriverons tout de même au bout et nous pourrons nous déplier après 14 heures où il n’était pas question d’avoir envie de faire pipi : Loué soit Dieu !


Le taxi-brousse : on charge la mule à l'extérieur et à l'intérieur (25 passagers pour 20 places), pour un un voyage d'agrément qui durera 14 heures entre Morondava et Antsirabé.

La "Micheline" de la ligne Tananarive-Tamatave date des années trente; il n'en reste que trois dans le monde, deux de temps à autre en service à Madagascar et une au musée Michelin en France.

Nous sommes désormais de retour sur le chantier où le travail a repris dès le 5 janvier. Le premier bâtiment est en cours de finition : peintures, branchement des lavabos et douches, branchement de la ligne téléphonique et d’internet (ce qui change la vie)… on n’attend plus que l’eau de la JIRAMA et on ne désespère pas de l’avoir avant la fin du mois de janvier, ce qui serait une belle performance car certains, dit-on, attendent jusqu’à deux ans.


Après l'abattage des arbres, préparation du terrassement pour la construction du deuxième bâtiment.


La noria des brouettes pour évacuer la terre.


L’emplacement du deuxième bâtiment est préparé pour les fondations qui commenceront début février : spectacle fabuleux des bûcherons et des scieurs de long qui ont abattu les grands pins et les ont débités en planches qui serviront pour les coffrages futurs. Puis noria ininterrompue des quinze brouettes qui évacuent des m3 et des m3 de terre vers le terrain d’à côté : tout un travail fait à la main par une trentaine de maçons et manœuvres.

L'escalier qui monte à gauche du premier bâtiment; notre appartement est au premier étage (fenêtre ouverte).

Restes d'ossements très anciens trouvés pendant le terrassement; c'est le 22ème trouvé depuis le début du chantier.


Pour chacune de ces dépouilles, les ouvriers ont pris le temps de les transférer vers une nouvelle sépulture préparée à l'écart du chantier. On rassemble les restes dans un linceul de coton blanc pour les inhumer à nouveau au cours d'une cérémonie à la fois joyeuse et recueillie où l'on asperge la dépouille de toka gasy (rhum malgache): quelques goutes vont au linceul, mais l'essentiel est réservé au réconfort des officiants.

La main à la pâte pour l'installation d'un chauffe-eau solaire dans le dortoir du 3ème étage du bâtiment. Près du chauffe-eau, Julien, artisan aux multiples talents, ferronnier, plombier et électricien.
La vue depuis le foyer, un environnement sublime : à droite, la ville de Tananarive, avec le Rova (visible à droite de l'arbre) qui la surplombe; devant nous, les rizières qui s'étendent jusqu'aux collines au loin vers le Sud.