jeudi 5 janvier 2023

Noël au Siné Saloum

 


Itinéraire de nos missions VSF dans le Siné Saloum


Au mouillage à Mar Lodj depuis quelques jours, le mardi 20 décembre, nous avons la joie d’accueillir à bord d’Alfred Inés et Marie-Aimée, deux amies de notre petite-fille Héloïse qui nous rejoindra le lendemain. Les trois filles ont pris en charge une mission apiculture de « Voiles Sans Frontières » qui consiste à financer et installer trois ruches à Wandié, petit village proche de Mar Lodj sur l’île de Mar.

Premier plongeon dès l'arrivée à bord: Inès, Héloïse et Marie-Aimée 



Mar est une île du delta du Saloum, proche de l’embouchure du fleuve et assez isolée. L’électricité absente est alimentée sur place par quelques panneaux solaires et des groupes électrogènes ; alimentée par une conduite trop faible, l’eau courante y est rare mais les habitants arrivent à y puiser un peu d’eau douce ; aucune voiture naturellement mais les déplacements se font par des charrettes attelées à de petits chevaux ou des ânes, ce qui crée une ambiance douce et silencieuse. Malgré ces difficultés logistiques, c’est le seul endroit du Saloum où se développe un peu de tourisme avec des campements simples et coquets et des hôtels au bord du bolong, un endroit apprécié des Dakarois qui y viennent pour les vacances. Un couple de retraités, Marie et Philippe, propriétaires d’un de ces campements, le Bazouk du Saloum, viennent le soir avec leur pirogue pour nous inviter à prendre un pot, dans leur lieu enchanteur : belle première soirée pour nos deux jeunes équipières…. Marie et Philippe ont aperçu notre pavillon « Voiles sans frontières » qui les a intéressés, car eux ont créé avec des amis l’ONG Ten Bi qui mène des actions dans le domaine de l’éducation et de la santé au Sénégal - Ten Bi en wolof signifie le puits (mot à mot, source de vie).

Lamine, apiculteur, nous apporte les trois ruches destinées à Wandié...

 

Arrivée à Moundé




Inès tient l'enfumoir qui, au moment la récolte, enfume les abeilles
avec un combustion de bouse de vache sèche


L'entraînement des lutteurs de lutte sénégalaise sur la plage de Moundé



Héloïse

Marie-Aimée

Inès


Le lendemain mercredi, en attendant l’arrivée d’Héloïse, Inès et Marie-Aimée vont faire une corvée d’eau au Bazouk ; en fin de matinée, Héloïse embarque « sur la patte de l’ancre » et nous appareillons aussitôt pour remonter le Saloum vers Djirnda où nous attend Lamine Diop, apiculteur venu de son village pour nous apporter les trois ruches « kenyanes » destinées à Wandié. Lamine nous emmène dans sa pirogue pour visiter son village de Moundé situé non loin de là au bord d’un bolong inaccessible pour Alfred et nous explique le fonctionnement de ces ruches kényanes. Nous rentrons à bord pour la nuit à Djirnda au coucher du soleil.

Arrêt à Fambine pour voir un chantier de construction de pirogues sénégalaises




Le calfatage des pirogues  de Fambine par Cheikh



La pâte à calfater, faite de chutes de polystyrène dissoutes dans l'essence et mélangée à de la sciure de bois rouge produit, une fois sèche, une étanchéité parfaite.


  
Départ de Fambine

Nous appareillons jeudi 22 matin vers Maya pour faire connaître aux filles le chantier de réfection de la Case de Santé auquel nous avons travaillé la semaine précédente. Sur le chemin, nous faisons une courte halte à Fambine pour visiter un superbe chantier de construction de pirogues mené par deux vieux charpentiers de marine, dont Cheikh, entourés de multiples aides qui les assistent ; plusieurs pirogues dont une de 17 mètres sont en construction et nous admirons le magnifique savoir-faire ancestral. Nous passons ensuite la soirée à Maya, village devenu familier, et nous accueillons à bord Aïda et trois de ses enfants, ainsi que Malik, l’instituteur accompagné de son épouse Ami et leur bébé Ibrahim ; se joignent à nous Simon et Alice, deux  étudiants en ingénierie navale à Brest,  en année de césure pour un tour de l’Atlantique sur « Vadrouille » dont une mission VSF (pas mal la césure, vivent les études d’ingénieur !) : quatorze personnes autour d’un gigantesque plat de nouilles fort apprécié !

Nous emmenons les filles à Maya pour voir le chantier de la case de santé


Les trois filles avec Ami, l'épouse de l'instituteur

Des jeunes filles de Maya improvisent une danse sur la plage pour nous dire au revoir



Départ de Maya

Mais la mission des filles nous rappelle et nous repartons le vendredi matin après avoir promis à Aïda que nous repasserions les voir en janvier avec notre nouvel équipage ; au moment où nous les quittons, une dizaine de jeunes adolescentes improvisent une danse sur la plage pour nous fêter, quelle gentillesse ! Nous redescendons le Saloum vers le lieu de travail des filles avec nos ruches sur le pont qui seront débarquées à Wandié où nous mouillons ; Abdoulaye à qui elles sont destinées vient les chercher avec sa pirogue et nous emmène par un dédale de bolongs très étroits jusqu’au village où elles seront placées. Les filles en profitent pour faire une première couche de peinture sur les trois ruches avant de rappareiller vers Mar Lodj, mouillage définitif d’Alfred pour la période de Noël.

Abdoulaye, apiculteur, vient chercher ses ruches sur Alfred et nous emmène,
par un bolong étroit et tortueux, visiter son village, Wandié


Arrivée à Wandié

Première couche sur les ruches kényanes

Chacun des jours qui suivent, Héloïse, Inès et Marie-Aimée iront de Mar Lodj à Wandié pour passer les trois couches nécessaires sur les ruches, emmenées par la calèche de Coli qui prendra aussi le pinceau, ainsi que plusieurs enfants du village. En dehors de cette peinture à laquelle beaucoup participent, l’essentiel de leur travail consistera finalement et objectivement à attendre que la peinture sèche !... Ce qu'il leur a donné le temps de faire de nombreuses balades et emplettes en tous genre, avec de multiples rencontres et d'aussi nombreuses demandes en mariage!....

Réveillon de Noël chez Emilliane

Emilliane à la messe de minuit à Mar Lodj


Samedi 24 décembre : veille de Noël. Nous sommes invités à un réveillon chez Emilliane, technicienne ophtalmo à Foundiougne qui participait précédemment avec nos deux médecins, Thierry et Dodo, à la mission « albinisme » de VSF. Elle travaille à Foundiougne mais revient dès qu’elle le peut chez elle à Mar Lodj où elle réside avec son mari Jean-Paul, un toubab. Emilliane nous régale d’un dîner succulent avant de partir ensemble à la messe de minuit dans l’église de Mar Lodj où vit une grande communauté catholique : messe africaine très belle avec des djembés et des chants en français et en sérère par une très bonne chorale.

Courses au marché de Mar Lodj pour préparer un tiéboudiène chez Mariétou



Dégustation du tiéboudiène; au centre, Mariétou

Pour fêter le jour de Noël, les filles avaient envie de faire elles-mêmes un tiéboudiène de poissons et demandé à Mariétou de les aider à le faire. Elles partent donc au marché avec Dnilane, Mariama et Fatou, les filles de Mariétou, pour acheter tous les ingrédients; toutes reviennent déjeuner à bord d'Alfred. Après un apprentissage de la conduite de calèche sous le contrôle de Babacar, un fils de Mariétou, elles passent l’après-midi chez elle à éplucher et à apprendre les nombreuses manipulations de la cuisine sénégalaise. Résultat : un vrai régal que nous partageons le soir avec toute la famille. Catherine et Dominique rentrons à bord pendant que les filles vont prolonger la nuit dans le village, invitées à participer aux agapes d’un mariage.

En route vers Mar Wandié pour admirer le travail des filles


La passerelle de Wandié, petite île dans l'île de Mar



Un vieux bouc baptisé Dominique par Abdoulaye... en mon honneur...

Les trois couches de peintures sont faites et sèches lundi matin : bravo les filles ! Il reste cependant à y mettre la touche finale, écrire chacune son nom sur la ruche qu’elle a peinte. Comme au cours de leurs échanges elles se sont vues affublées chacune d’un nom sérère, ce sera un double travail : Madane pour Héloïse, Tenigue pour Marie-Aimée et Mossane pour Inès. Elles font cela magnifiquement avant de déjeuner à Wandié d’un délicieux yassa de crevettes offert par Abdoulaye et son frère Boubacar. 

Pour Noël, une grande fête est organisée à Mar Lodj pour les villageois, avec sono sursaturée, musique assourdissante et danses ; nous rentrons vers 1h du matin, complétement sourds.





Entourant Abdoulaye, les trois filles posent devant leurs ruches
portant leurs noms de baptême sérère: Mossna, Ténigue et Madane

Partage d'un yassa de crevettes offert par Abdoulaye et son frère Boubacar


Nous quittons nos amis de Wandié pour rejoindre Alfred en calèche


Nous sommes déjà le mardi 27 et Inès doit déjà rentrer en France. Dominique l’accompagne à Dakar où doit être renouvelé le permis de naviguer d’Alfred, valable un mois, avant de la déposer à l’aéroport. Héloïse et Marie-Aimée profitent de cette journée pour faire une toilette complète d’Alfred ; merci les filles !

Inès vient de nous quitter... pour tromper leur tristesse, Marie-Aimée
entreprennent une toilette complète d'Alfred..... 

... puis se reposent

Babacar nous a emmenés à une soirée de lutte sénégalaise à Mar Fafaco à 3/4 d'heure de calèche 
  

Départ vers l'aéroport

Journée de repos à bord d’Alfred mercredi avant d’aller assister le soir à Mar Fafaco à une soirée de lutte sénégalaise, catégorie poids lourds. Mar Fafaco, autre village de l’île de Mar (avec Mar Wandié Mar Soulou).  Nous y sommes emmenés par la calèche de Babacar, fils de Mariétou, accompagnés par son frère et sa sœur qui profitent de cette opportunité. Encore une fête nocturne avec tamtams, chants d’encouragement diffusés par une sono sursaturée et une musique assourdissante dont nous rentrons épuisés encore une fois à 1h du matin.

Sur la route de l'aéroport, courte halte au port de M'Bour





Construction d'une pirogue de 25 mètres


Héloïse et Marie-Aimée avec le propriétaire de trois grandes pirogues



Nous sommes déjà le jeudi 29 et il est malheureusement temps de raccompagner Héloïse et Marie-Aimée qui rentrent en France, emmenés pour cela par Kara, notre taximan attitré. Nous en profitons pour faire un détour par M’Bour, ville importante proche de la mer avec sur son littoral un des plus important port de pêche du Sénégal. Nous admirons ces immenses pirogues dont les plus grandes atteignent 25 mètres et 8 à 10 tonnes (plus de 100 hommes les tirent pour les mettre à l’eau ou les en sortir). Après un grand tour du marché et déjeuner à M’Bour, nous déposons les filles à leur avion avant de nous faire conduire par Kara vers Dakar pour nous déposer, après des embouteillages monstres, au débarcadère de l’île de Gorée.

Vue de Gorée depuis le Castel

La rue de la "Maison des Esclaves"

La maison des esclaves

Cour intérieure d'une maison de Gorée



La maison du Gouverneur Schmaltz en 1816


Deux nuits à Gorée dans un vrai lit ! quel bonheur après trois mois dans notre cabine d’Alfred pourtant si confortable ! Nous y étions allés il y a 25 ans mais nos souvenirs étaient confus. Deux jours dans cette île chargée d’histoire, avec évidemment l’aspect dramatique de la traite et dont la visite glaçante de la « Maison des esclaves » rappelle l’horreur, mais de manière symbolique car l’on sait maintenant que loin d’être un centre majeur de transit d’esclaves, cette maison fut construite peu avant la fin de la traite et servit surtout d’entrepôt pour les marchandises. Mais aussi les marques successives des passages des nations européennes qui s’y sont succédé, Portugais, Hollandais, Anglais et Français. Les rues de couleurs ocre, jaune et rouge avec des huisseries vertes ont un charme provençal et nous font découvrir ces magnifiques maisons des signares à l’époque de leur magnificence. Nous découvrons aussi la maison du Gouverneur Schmaltz qui y habita un an avec sa femme et ses filles avant d’être rappelé pour rendre compte des lamentables circonstances de l’échouage de la Méduse dont nous avons beaucoup parlé…

Le Palais du Gouverneur et l'Hôpital Militaire, achevés en 1864,
attendent une restauration qui tarde... 

... en attendant, des usagers y ont élu domicile





Après ce repos à Gorée que nous quittons le 31, nous nous faisons conduire au monastère de Keur Moussa fille de l’Abbaye de Solesmes fondée en 1963 où nous passons la nuit avec les moines, aidés par leur magnifique liturgie accompagnée par la Cora, à porter dans nos prières tous ceux que nous aimons.

L'entrée de l'Abbaye de Keur Moussa





Au retour à Mar Lodj, premier dîner de 2023 au Bazouk du Saloum,
invités par Marie et Philippe