dimanche 12 juin 2016

Fin de croisière à Trinidad après un détour à Tobago



Alfred sur le travellift du chantier Peake à Trinidad
Après presque 9000 milles Alfred se repose pour quelques mois à Trinidad, bien au sec au chantier Peake : un repos bien mérité où il va être remis en forme avant de repartir à la fin de l’année pour une croisière aux Antilles et un  retour en Bretagne. Avant de faire le bilan de cette première partie de notre périple, revenons sur notre dernière étape depuis le départ des Îles du Salut.

P'tit dej' entre Cayenne et Trinidad
Jean-Patrick fait la vaisselle
 Nous quittons le mouillage de l’île Saint-Joseph le samedi 14 mai à la nuit, après le dîner, pour parcourir les 700 milles jusqu’à Tobago et Trinidad. Nous commençons par nous éloigner jusqu’à 50 milles de la côte afin de retrouver le courant caraïbe et de nous installer sur le tapis roulant qui nous entraînera à presque 2 nœuds vers les Antilles. Rapidement, alors que nous contournons encore l’île Royale, le pilote principal nous lâche : apparemment le même symptôme que celui observé il y a deux mois à Salvador, un mauvais contact électrique dans le vérin qui actionne la barre. Nous passons sur le pilote de secours attelé à la barre à roue. La révision du pilote principal sera ajoutée à la liste des travaux à faire à Trinidad.

Dominique
Catherine téléphone à ses enfants.
Jean-Louis
Le premier jour de navigation est fêté par deux belles prises, deux beaux tazards de 3 et 5 kilos qui seront immédiatement servis en poisson cru pour l’apéritif du dimanche, … puis au déjeuner, … puis au dîner, … puis au déjeuner du lendemain, sans jamais lasser l’équipage grâce aux multiples recettes concoctées par Catherine, jamais prise de court…

Un tazard de 3 kilos! ....
... immédiatement préparé par Emmanuel.

Après la pêche, démêlage de la ligne...
 Le vent se renforce le lundi et le mardi, jusqu’à force 6, et nous réduisons la toile pour ménager le gréement (nous avons constaté des dégâts à trois bas-haubans sur quatre lors de l’escale à Fortaleza) ainsi que les voiles qui commencent à montrer des points d’usure. Cela ne nous empêche pas de filer à 8-9 nœuds vers Tobago.

La vie quotidienne à bord
Réparation du petit pilote: passage sous barre de secours.




Petit pépin dans l’après-midi du mardi 17, alors qu’Alfred file à 9 nœuds plein vent arrière sous grand voile à 1 ris et génois réduit et tangonné : le pilote de secours se met en avarie. Nous mettons à la cape pour réparer car il faut démonter la barre à roue pour intervenir. C’est chose faite une heure plus tard et nous reprenons la route au 300° vers Tobago.

Emplettes de fruits et légumes à Tobago

Couleurs du soir à Milford Bay au SW de Tobago

Pigeon Point près de Buccoo Reef

Session internet à Milford Bay
Arrivée à Scarborough, principale ville de Tobago dans la matinée du mercredi 18 mai ; nous avons parcouru les 650 milles depuis la Guyane à la moyenne honorable de 7,5 nœuds : Bravo Alfred … bon cheval ! Nous faisons nos formalités d’entrée dans l’Etat de Trinidad et Tobago : services de l’immigration, douanes etc. partout un accueil très professionnel « and so british ! ».


Emmanuel, Jean-Patrick et Jean-Louis
Catherine et Emmanuel à Bon Accord Lagoon

Ô temps, suspends ton vol!  Et vous, heures propices, suspendez votre cours!

Nous avons plusieurs jours devant nous avant d’installer Alfred au chantier Peake à Trinidad à moins de 100 milles et nous décidons de faire une croisière de quelques jours le long des quelques 20 milles de la côte NW de Tobago, avant notre destination finale, Port of Spain.



Temps breton à Tobago;;;

Great Courland Bay

Le temps est maussade, une attention délicate d’Eole pour nous préparer à notre retour prochain dans notre chère Bretagne. Après une première nuit à Milford Bay à l’extrémité SW de l’île, nous explorons le lagon de Buccoo Reef où Emmanuel et Caroline avaient fait de belles plongées lors de leur passage en 2003. Le ciel couvert ne nous permettra pas d’admirer comme eux les belles eaux turquoises mais nous goûterons le mouillage tranquille de Bon Accord Lagoon, niché dans les petits fonds où Alfred, dérive haute, arrive à se faufiler.

Patrick à l'arrivée à Englishman Bay

Jean-Louis

Englishman Bay


Remontée tranquille au moteur  le long de la côte sous le vent de Tobago où méthodiquement nous explorons tous les mouillages : Great Courland Bay devant la petite ville de Plymouth, puis mouillage la nuit devant la magnifique plage de Englishman Bay le 20 mai, puis Paletuvier Bay, Blooody Bay puis mouillage le soir du 21 à Charlotteville, à l’extrémité NE de l’île.


Emmanuel


A Bloody Bay, une équipe de la télévision colombienne tourne un épisode de télé-réalité

Le village de pêcheurs de Paletuvier Bay
Dimanche 22, nous louons un taxi à Charlotteville pour une balade à l’intérieur de Tobago, guidés par notre sympathique chauffeur Roger qui nous emmène voir l’intérieur du décor, dans tous les endroits où nous avons mouillé. Très jolie promenade dans cette île qui, longtemps disputée entre les Anglais et les Hollandais, garde dans sa toponymie la marque de son occupation française pendant quelque temps au XVIIème siècle. C’est elle qui inspira Defoe pour en faire le refuge de Robinson Crusoé…

Vue de North East Rock, à la pointe NE de Tobago

Englishman Bay vue de la hauteur
Ruines d'une usine sucrière

Marchandage à Roxborough sur la côte sud de Tobago

Dimanche 22 mai : il est temps de nous arracher de ce petit paradis tropical pour une dernière nuit de navigation vers Trinidad où nous arrivons lundi matin après une dernière halte à Scotland Bay, toute proche de Port of Spain, pour une dernière baignade avant d’amarrer Alfred au ponton du chantier Peake.

Pomme de cajou  savoureuse

L'art de manger proprement une mangue

L'équipage devant Englishman Bay



Notre chauffeur Roger nous initie au steel band

Mur de corail
C’es le moment du désarmement et tout l’équipage s’active : démontage de la grand’voile et du génois emportés chez le voilier pour réparation, rinçage général de tous les vêtements de mer et de toutes les manœuvres courantes, grand ménage de l’intérieur du bateau avant l’hivernage.

Arrivée à Trinidad



L’inspection du gréement dormant nous réserve une mauvaise surprise : après seulement trois ans (mais plus de 20.000 milles parcourus), nous constatons que 5 haubans sont gravement abîmés, ce qui entraînera sûrement un changement de l’ensemble. Notre bon vieil Alfred a un peu souffert et cet hivernage sera mis à profit pour le remettre en forme pour son retour au bercail dans un an.

Journal de bord d'Alfred


Dernier dîner d'équipage au Zanzibar à Chagaramas (Trinidad)

Nous quittons Alfred le 28 mai et le retrouverons en novembre pour le ramener vers sa Bretagne en passant par le chapelet des petites Antilles que nous espérons égrener île par île, en particulier celles où ne sommes jamais allés : Montserrat, Saint Kitts et Nevis, Saint Eustache, Saba … et bien sûr un arrêt prolongé à la Martinique pour revoir l’Anse à Diègue où nous avons vécu en 1976. Anticipant sur ce programme, nous faisons détour de quelques jours par la Martinique où Gisèle de Meillac nous accueille et nous dorlote comme elle seule sait le faire dans sa magnifique maison de la Pointe Jacob ; elle nous donne l’occasion de revoir, avant de rentrer en France, nos fidèles amis depuis 40 ans (!!!), Béatrice de Meillac, Nicole et Christian de Wouves et Jean-Louis de Lucy qui nous accueille dans la merveilleuse habitation Beauséjour où nous passons notre dernière nuit antillaise.

Alfred sous bonne garde des sentinelles du chantier Peake

mardi 24 mai 2016

De Fortaleza à Cayenne – Iles du Salut


Nous sommes mercredi 4 mai et la fin du séjour d’Alfred au Brésil est maintenant toute proche ; arrivé le 23 novembre à Fernando de Noronha, notre bon bateau y aura passé cinq mois et vingt-sept de nos famille et amis auront pu découvrir avec nous à son bord quelques facettes de ce beau et grand pays.
L'équipage du dernier transit de Fortaleza à Trinidad: Dominique, Catherine, Jean-Patrick, Jean-Louis et Emmanuel.
Départ de Fortaleza: bonne brise et ciel dégagé.

Nous allons demain entamer notre remontée vers le Nord jusqu’à Trinidad, où Alfred restera pendant la saison des cyclones, jusqu’à ce que nous le reprenions dans quelques mois pour naviguer dans les Antilles avant notre retour à la Trinité dans un an.

Jean-Patrick
Emmanuel
Deux nouveaux équipiers nous ont rejoints pour ce convoyage de 1800 milles de Fortaleza à Trinidad, avec escales possibles en Guyane Française et à Tobago ; Jean-Patrick Pluvinet, avec qui Dominique avait fait une transat à l’automne 2014 et Emmanuel Lizée qui a déjà embarqué en mars pour une croisière à partir de Salvador ; nous sommes donc cinq avec Jean-Louis Porchier qui est à bord depuis le départ de Salvador.

Les équipiers: Jean-Louis, Emmanuel, Dominique et Jean-Patrick
Catherine en figure de proue.
Les formalités de départ définitif (police fédérale, douanes, capitainerie) sont un  peu longues et nous retardons notre départ au  Jeudi 5 mai au matin, après avoir assisté à la messe de l’Ascension à l’église Sainte Edwige proche de la marina. La veille au soir, nous passons une dernière soirée brésilienne dans une churascaria pour un superbe buffet de viandes comme seuls savent le faire les Brésiliens et les Argentins.

Diner is ready !!


En appareillant de Fortaleza vers la Guyane, notre première intention est de couper ce transit de plus de 1000 milles en faisant un arrêt entre Sao Luis et Belém, à Lençois dans la région du Maranhao, l’un des plus beaux mouillages forains du Brésil, dit-on, blotti dans la mangrove dans un paysage d’immenses dunes, dans une zone non hydrographiée. Malheureusement, après trois jours de route de vent faible, nous réalisons que le temps nous est compté et nous renonçons à cette dernière escale brésilienne pour faire route directe sur Cayenne.

Passage de la ligne: https://youtu.be/KHMoKTVhjlg

Baptême du néophyte Emmanuel
Neptune, le néophyte et Amphitrite
La route vers Cayenne est marquée par un événement maritime majeur : le passage de la ligne et le baptême d’un néophyte : Emmanuel. La cour du Royaume des Mers et des Océans , présidée par Neptune et Amphitrite, siège selon le rite ancestral, et, après un jugement sans concession mais juste, le néophyte est baptisé le 8 mai à 13 heures, par longitude 44°06’W.

Réparation de le commande du moteur
En route vers Cayenne à fond les manettes : 10,6 noeuds au compteur !!
Petit pépin dans l’après-midi du même jour, en manœuvrant la commande de gaz du moteur pour recharger les batteries, ce que nous faisons deux heures par jour, le câble de commande s’enraille. Une réparation de fortune peut être faite mais nous devons changer le câble dès la prochaine escale à Cayenne.

Arrivée à Cayenne: l'Îlet La Mère et Les Mamelles

Couleur de l'eau aux approches de la Guyane
Aux approches de la Guyane, l’eau de mer change brusquement de couleur, passant par toutes les nuances possibles du chocolat au lait au chocolat noir. Nous nous présentons devant le chenal de Cayenne le 12 mai vers 9 heures et remontons le long chenal de plus de 10 milles entre l’îlet La Mère, flanqué des deux îlots Les Mamelles, et l’îlet Le Père jusqu’au port de Dégrad des Cannes situé sur le fleuve Mahury, à quelques kilomètres à l’Est de Cayenne.

La "marina" de Dégrad des Cannes, un assortiment de bateaux du voyages ayant pris racine dans la mangrove
Vue du fleuve Mahury à Dégrad des Cannes
L’endroit est glauque : la marina est devenue le refuge de vagabonds des mers dont les bateaux, souvent en triste état, sont accrochés au ponton comme une bernique à son rocher; nous y faisons néanmoins de belles rencontres, en particulier avec trois jeunes cousins du même âge, Samuel, Pierre et Elwin, partis ensemble faire le tour du monde sur leur ketch, Nagawika http:/lestroiscolibris.wix.com/les-3-colibris . Le lieu est isolé dans une petite zone industrielle sans liaison avec la ville. Nous louons immédiatement une voiture afin de faire rapidement l’indispensable, la réparation de la commande moteur et les courses de vivres frais, pour décamper au plus vite.

Place des Palmistes à Cayenne
Vues des rues de Cayenne

Le marché
Une atmosphère tranquille figée dans le temps
Nous profitons tout de même de ce court passage pour une visite de Cayenne et une soirée sympa et paisible dans cette petite ville de la France des Tropiques où la vie coule, lente et tranquille.

Un arrêt à l'Îlet La Mère avant de partir pour les îles du Salut


Polissoir amérindien
Les "fromagers siamois"
Les singes saïmiri, laissés par l'Institut Pasteur, occupent l'îlet La Mère
Appareillage de Cayenne le vendredi 13 mai après le déjeuner, cap vers les Îles du Salut à 40 milles à l’Ouest. Après une courte halte à l’îlet La Mère pour visiter dans l’après-midi les vestiges d’un ancien bagne habité par des singes, puis après 35 milles sous un quartier de lune, nous arrivons aux îles du Salut vers minuit avec comme comité d’accueil un grain violent qui nous met immédiatement dans l’ambiance de ce lieu de souffrance.

Sur la table, le Bolo de rolo offert par Dulce à notre départ de Recife
En route vers les Îles du Salut

Vue de la Maison de Dreyfus à l'Île du Diable
L'Île du Diable vue de l'Île Royale
Le petit archipel, situé à 10 milles au large de Kourou, est constitué de trois îles, l’île Royale où se trouvait la direction de l’administration pénitentiaire et où étaient détenus les condamnés aux travaux forcés, l’île Saint Joseph où étaient enfermés dans l’isolement et le silence les condamnés aux peines lourdes qui ne travaillaient pas et ne quittaient pas leurs cellules, et l’île du Diable pour les prisonniers politiques et spéciaux, où ont été détenus Dreyfus et Seznec. Les îles sont toutes proches, séparées par des canaux de 200 mètres où les courants et le ressac sont très violents, et seules les deux premières sont accessibles.

L'équipage sur l'île Royale. Au fond, l'Île du Diable
La villa du Directeur de l'Administration Pénitentiaire, sur l'Île Royale.


L'hôpital
Quelques habitants de l'ïle Royale : Agoutis....

.... iguanes ....
 

... colibris sur ixoras ...
... singes Capucins ....
Malgré la beauté des lieux, la riche végétation et la vie qui y règne, singes, oiseaux, agoutis en très grand nombre, iguanes, nous sommes saisis par les vestiges de ce lieu de désespoir où les conditions de vie devaient être horribles, quels que soient les crimes que ces hommes avaient commis. Nous sommes particulièrement effrayés par la perfection des installations de l’île Saint Joseph, construites en 1898, où la technique de l’époque avait permis de concevoir une maison de détention « industrielle » que l’on ne peut pas regarder sans penser aux horreurs qui allaient marquer le vingtième siècle dans le perfectionnisme carcéral… Aujourd’hui, les îles du Salut, gérées par le CNES, sont devenues un lieu de détente du week-end pour les familles et légionnaires de Cayenne et de Kourou…

Le travail impressionnant des forçats sur l'Île Royale

Le "mitard" sur l'Île Royale
L'Île Saint Joseph, surnommée île du silence
Au-dessus de nos têtes, les chemins de rondes d'où les prisonniers sont surveillés jours et nuits, au-dessus des cellules dont le plafond est une grille.
Le couloir des cellules sur l'Île Saint Joseph : glaçant !
Nous repartons le soir du samedi 14 mai, saisis par ce que nous avons vu, pour l’ultime étape du voyage d’Alfred : 600 milles vers Tobago et Trinidad.

Vues du cimetière de l'Île Saint Joseph
 

En arrière-plan, l'Île du Diable à droite et l'Île Royale à gauche.