lundi 17 juin 2024

Heureux qui comme Ulysse… des Açores à la Trinité

 

L'équipage au Peter's Café: Dominique, Philippine, Edouard, Guillaume et Franck

C’est une longue pause à Horta. Nous y sommes depuis le 20 mai après notre traversée rapide depuis les Bermudes, Guillaume et Philippe sont rentrés en France le 27 et Alfred attend au ponton l’arrivée de nos nouveaux équipiers pour retrouver sa chère Bretagne. Pendant cette attente, nous voyons s’installer lourdement un anticyclone obèse à l’Ouest de l’Irlande ; s’il ne bouge pas de là, cela nous promet des vents contraires sur les 1200 milles de la route du retour vers la Trinité… wait and see…

Horta

Pico vu depuis Faial

Ponta do Castelo Branco à Faial

Nous commençons par accueillir à bord Philippine et Edouard le mercredi 29 qui viennent de faire une escapade à Pico où nous les avions croisés il y a quelques jours. Le jour de leur mariage il y a un an, nous avions promis à nos neveux Edouard et Philippine de Maussion cette traversée sur Alfred qu’ils découvrent ; ils auront le temps de visiter Faial et de m’aider à faire l’approvisionnement avant l’arrivée des autres membres d’équipage ; ces derniers, Guillaume et Franck, arrivent le 31 et auront aussi le temps d’avoir un aperçu de l’île en voiture avant l’appareillage. Guillaume Thomas, notre gendre, connaît bien Alfred pour l’avoir utilisé souvent lors de croisières en famille en Bretagne, il nous avait également rejoints avec Marie à Antigua et Barbuda en 2017 ; Franck Gaubert, un ami de Guillaume, connaît Alfred pour y avoir à deux reprises traversé le Golfe de Gascogne de La Trinité à Lisbonne et inversement.

La Caldeira de Faial: 2km de diamètre, 500m de profondeur

Repos dans un square d'Horta

Guillaume et Franck à la Ponta dos Capelinhos

Un étale bien portugais de bacalhau

Les deux derniers jours passés à Faial sont consacrés aux ultimes préparatifs d’Alfred avant le grand retour vers la Bretagne, la batterie du moteur qui montrait quelques faiblesses depuis les Bermudes est changée, quelques dernières courses de fruits et légumes frais au marché municipal qui se montre étonnamment pauvre, mais surtout, le rafraîchissement et la mise à jour de la fresque d’Alfred, bien préservée depuis notre dernier passage à Horta et située sur le môle de la Capitainerie. Entre deux averses, Philippine et Edouard s’attèlent à cette tâche délicate mais si importante ; c’est un succès et désormais notre fier Alfred laisse la signature de ses passages successifs aux Açores : mai 2013, mai 2017, avril 2023, mai 2024 : ils sont fiers du résultat et ils ont raison !

Philippine et Edouard sont fiers de leur œuvre, ils ont raison!

La fresque d'Alfred  à Horta

Appareillage de Horta le dimanche 2 juin pour parcourir les 70 milles jusqu’à l’île de Terceira à 70 milles. Le temps est affreux, pas beaucoup de vent, dans le nez la plupart du temps, mer un peu formée et, par-dessus le marché, une forte pluie qui tombe verticalement à grosses gouttes : le baptême est un peu sévère pour le nouvel équipage. Au bout de cette journée un peu galère, nous arrivons enfin peu après 20 heures à Angra do Heroismo ; Franck, particulièrement épuisé et découragé par un intense mal de mer, nous annonce qu’il n’ira pas plus loin ; il nous quitte le lendemain pour rentrer à Nantes.

Apparition de Sainte Madeleine dans les Ilheus da Madalena

Philippine et Edouard

Guillaume

Angra do Heroismo, capitale de Terceira certes, mais c’est peu dire de cette magnifique petite ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui fut naguère capitale des Açores avant d’être détrônée par Ponta Delgada ; elle fut surtout la capitale du Portugal entre 1828 et 1834 pendant la guerre de succession fratricide entre Pedro et Miguel, les fils de Jean VI. C’est une courte mais bienvenue dernière escale et nos équipiers se remettent de la navigation un peu éprouvante de la veille en se baladant dans ses rues charmantes, ses jolies places et jardins bordés d’édifices parfois sublimes et ses points de vue superbes sur les hauteurs, avant de prendre un dernier bain de mer sur la plage proche de la marina et d’appareiller enfin vers la Bretagne le lundi 3 juin vers 18 heures.

Le port d'Angra do Heroismo



Relation de la traversée Açores-Bretagne par les messages quotidiens envoyés à midi, heure du bord, à Emmanuel qui nous assure, comme toujours, un routing impeccable.

Mardi 4 juin : « Distance La Trinité 1102 milles. Nous avons quitté Terceira hier à 18 heures et depuis nous avons parcouru 97 milles à voile et moteur. La situation météo n'est pas géniale ; l'anticyclone de la Mer du Nord s'est installé au Sud de l'Islande, avec une longue dorsale vers la Bretagne, formant avec l'anticyclone des Açores une barrière qui empêche les dépressions de passer. Du coup, nous avons du vent établi de NE (pile dans le nez) et nous devons nous déplacer de 400 milles au NNE avant d'espérer trouver une brise qui nous ramène vers la Bretagne. Au programme donc, au moins 3 jours de moteur au NNE jusqu'à la latitude de Brest, puis route directe vers la Trinité. »

Passager clandestin

Mercredi 5 juin : « Distance La Trinité 1069 milles - dist.24h=116 milles. La situation météo n'est pas géniale, nous sommes contraints de faire du Nord pendant pas mal de temps en espérant trouver des vents moins contraires, ce qui rallonge pas mal la route à faire (1400M au lieu de 1200M) et nous empêche pour le moment de progresser sur la route directe. Heureusement, nous avons du vent (actuellement nous progressons à 5-6 nds au Nord) le bateau est bien gité mais tout va bien. Les équipiers sont super et font bien marcher Alfred, le confort à bord n'est pas top mais le moral au top ! »

Déjeuner sur la terrasse

Dîner dans le carré

Jeudi 6 juin : « Distance la Trinité 1018 milles - dist.24h=120 milles. Nous sommes toujours en route au nord, à 80° de la route directe, donc notre rapprochement du but est assez lent pour le moment : cela va durer ainsi pendant un jour ou deux, le temps de monter encore en latitude, jusqu'au moment où nous sortirons enfin du fort flux de NE qui nous empêche de nous rapprocher de la Trinité... nous mangeons notre pain noir.... Le bateau marche toutefois à bonne allure, 5-6 nœuds ; cette nuit, le vent refusant, nous avons tiré un long bord vers l'Est et sommes revenus ce matin au Nord avec l'adonnante du matin ; cela devrait durer ainsi... mais nous n'avons pas de temps à perdre. Heureusement, nous sommes bien consolés dans ce long temps d'attente, bien compensé par les bons soins de Philippine qui nous concocte des repas excellents, tandis que Édouard, partage des tâches des jeunes ménages modernes, fait avec grand soin et conviction la vaisselle. Le confort à bord est spartiate, secoué mais pas humide, et permet à tous de longues sessions de lectures et de bonnes siestes. »

Pétole...

Vendredi 7 juin : « Distance la Trinité 981 milles - dist.24h=121 milles. Toujours en route au nord avec un vent qui évolue peu en direction mais commence à mollir... nous avançons encore néanmoins assez bien mais passerons probablement au moteur cet après-midi pour vraisemblablement 3 jours jusqu'au moment où nous toucherons (enfin !) le vent portant que nous attendons depuis le début ; actuellement, nous sommes toujours pratiquement sur le méridien de Terceira, notre point de départ.... Le temps commence à se refroidir un peu, Alfred retrouve le climat tempéré après 7 mois de chaleur et nous trouvons cela bien agréable. Edouard est un homme persévérant, il met les lignes à l'eau avec constance et application tous les matins... l'espoir fait vivre ! L'approvisionnement fait à Horta commence à s'épuiser un peu, je n'ai décidément pas le même coup d'œil que ma chère Catherine sur la question. Ne touchant pas beaucoup au réglage des voiles, la lecture reste l'activité principale des équipiers, un vrai régal, en dehors des quarts auxquels chacun est maintenant bien habitué. »


Samedi 8 juin : « Distance La Trinité 880 milles - dist.24h=111 milles. Ça-y-est, nous sommes dans la molle ! Nous sommes au moteur depuis hier après-midi dans un faible reste de vent de secteur E; légèrement appuyé sur la grand-voile et le moteur à bas régime pour ne pas trop user de GO, Alfred se maintient à 5 nœuds dans une mer bien calmée qui ne casse pas l'erre. Nous faisons route au 60° et nous rapprochons désormais de la Trinité. Cet épisode au moteur pourrait durer jusqu'à lundi, voire mardi, mais nous devrions avoir suffisamment de GO pour atteindre le moment où nous toucherons enfin le vent portant qui nous amènera 'grand patin' à la Trinité avec une arrivée possible dans la soirée de vendredi 14. »

L'heure de la sieste...

... et maintenant, au boulot.

Dimanche 9 juin : « Distance La Trinité 771 milles - dist.24h=119 milles. Alfred avance tranquillement cap à l'Est comme un de ces gros camions qui traverse le désert d'Australie, toujours tout droit, pied sur le champignon à vitesse régulière, le chauffeur n'a rien à faire qu'à écouter la musique de son moteur : pout-pout-pout-pout.... Il fait beau, la vie est belle car nous nous rapprochons de vous ! »

Edouard fait l'appoint de gasoil

Lundi 10 juin : « Distance La Trinité 638 milles - dist.23h=133 milles. Nous avons changé l'heure du bord ce matin et sommes désormais comme vous en TU+2. La brise semble se réveiller un petit peu ce qui permet de donner un peu de répit au moteur, mais ce n'est qu'une illusion car nous ne trouverons vraiment du vent que quand la dorsale anticyclonique dans laquelle nous sommes se sera résorbée pour laisser le passage à la dépression qui est en train de nous rejoindre – enfin !!!! - et qui nous propulsera jusqu'à l'arrivée... encore 24 heures de patience ! Nous sommes à équidistance de Terceira et La Trinité, mais en réalité nous avons parcouru les 3/5èmes du chemin total, 1470 milles au lieu de 1190 en route directe. Le vent revient depuis la fin de matinée et nous sommes de nouveau à la voile à 7 nds. Tout va bien. »


La toilette dans l'eau à 16°C

Mardi 11 juin : « Distance La Trinité 511 milles - dist.23h=127 milles. Nous bénéficions depuis cette nuit d'un flux modéré du Nord qui nous permet de maintenir une vitesse de 4-5 nœuds mais qui commence à mollir ; nous allons certainement entrer en début d'après-midi dans la molle de la dorsale qui s'étend vers la Bretagne et remettre le moteur pendant les 24 ou 36 prochaines heures (bonne bête, ce moteur !). Après, nous serons rattrapés par l'approche de la dépression qui nous amènera sur la Trinité à belle vitesse. Des spéculations sur notre HPA ? Nous espérons pouvoir arriver avant l'heure du dîner à KerBiren ; nous apportons l'apéro ! A très bientôt le bonheur de vous serrer dans les bras ! »

belle journée sous code zéro


Guillaume

Mercredi 12 juin : « Distance La Trinité 367 milles - dist.24h=134 milles. Après un long bord sous code zéro hier après-midi, nous avons sombré dans la pétole hier au moment du dîner et depuis nous avançons au moteur sur une mer d'huile. Les premiers signes annonciateurs de la dépression qui fond sur nous ont commencé à apparaître dans les nuages ce matin et nous voyons sur l'eau les premières rides de la brise qui vient. Le vent de SW devrait se renforcer dans l'après-midi pour devenir costaud cette nuit avec probablement un petit jour du 13 un peu rock'n'roll à 30-35 nœuds et des rafales à 40 au moment du passage du front. Après, plein vent arrière vers la Baie de Quiberon. Cela met un peu de piment à cette fin de traversée qui aura été un peu poussive... Mais Alfred est en pleine forme, prêt à affronter le match ! »

Coucher de soleil avant le coup de chien

les premières averse annoncent le passage du front!

Jeudi 13 juin : « Distance La Trinité 217 milles - dist.24h=162 milles. Nous sommes dans le baston depuis minuit la nuit dernière avec un vent très soutenu de SSW de 35 noeuds, au grand largue sous grand-voile à deux ris et trinquette. La mer est bien formée, grosse mais régulière et sans gros déferlement ; le pilote tient bien le choc mais décroche de temps en temps dans les rafales qui atteignent parfois 45 nœuds ce qui nous permet de rester la plupart du temps à l'intérieur qui reste sec. La trinquette nous donne un peu d'inquiétude car, elle est déchirée le long du nerf de chute et la bande anti UV part un peu "en distribil". Ce n'est pas grave mais j'espère seulement qu'elle restera entière le temps qu'arrive la bascule de vent à l'Ouest qui devrait nous apporter un vent plus modéré de 20 nœuds car je n'ai pas envie de remettre le génois même réduit avec le vent actuel... Cette bascule devrait arriver (enfin !) en début d'après-midi et nous permettre de faire un dernier bord plein vent arrière vers la Trinité en renvoyant de la toile. Tout va bien à bord, nous arrivons tout de même à nous reposer un peu malgré les secousses. Vivement un vrai lit ! Ceci est notre dernier message, demain ce sera au téléphone quand nous arriverons en portée de Belle-Île dans l'après-midi. Merci Emmanuel de la part de tout l'équipage pour ton routage. »

Le vent s’est un peu calmé mais reste bien soutenu dans la journée du 13 juin quand nous traversons le rail ; nous avons pu renvoyer la grand-voile et le génois réduit, rentrer la trinquette qui a été bien éprouvée et dont les lambeaux décorent le bas étai d’Alfred. Nous sommes au sud de la pointe de Penmarch dans la matinée du 14 et cravachons toute la journée dans la brise qui fraîchit à nouveau et arrivons à 11 heures du soir au ponton de la Trinité où nous attend un beau comité d’accueil : Béatrice et Jean-Luc heureux de retrouver leurs Philippine et Edouard, Marguerite et Jacques qui accueillent leur papa sous les ‘youyou’, et bien sût ma Catherine et son grand sourire. Tout ce petit monde retourne à bord le lendemain pour désarmer Alfred qui récupère enfin son corps-mort après 9 mois d’absence.

Arrivée à bon port: Philippine, Guillaume, Dominique, Edouard

Un beau comité d'accueil malgré l'heure tardive: Jean-Luc, Philippine, Béatrice,
Marguerite, Dominique, Jacques, Guillaume, Edouard. Catherine prend la photo.

Jacques déploie toute son énergie dans le désarmement d'Alfred.

Ce fut un périple magnifique de 11400 milles où Alfred, si ce n’est l’épisode du moteur, s’est magnifiquement comporté. Le gréement dormant et les voiles sont en bon état à part la trinquette qui va faire un petit tour chez le voilier, l’installation électrique montre quelques faiblesses dues à de mauvais contacts dans le tableau qui sera rapidement revu, quelques fuites de hublots seront étanchées rapidement et Alfred sera vite disponible pour emmener cet été nos enfants et petits-enfants explorer l’inépuisable et merveilleuse côte de Bretagne Sud.

Notre-Dame de Bon Port

Saint Nicolas, patron des marins.

Après Cuba en 2012-13, le Brésil en 2015-16, les Petites Antilles en 2016-17, la côte Ouest Africaine en 2022-23 et les Bahamas en 2023-24, Alfred achève la cinquième de ses pérégrinations atlantiques au cours desquelles nous avons accueilli à bord 131 équipiers différents, d’âges compris entre 3 et 77 ans, dont certains sont revenus 5 fois. Pour tous ces voyages et les liens d’amitié créés et entretenus à bord, nous remercions les deux saints patrons d’Alfred, Notre-Dame de Bon Port, patronne de notre paroisse de Nantes, et Saint Nicolas, patron des marins. Il eût été judicieux pour ce dernier voyage d’associer à nos protecteurs Saint Eloi pour veiller sur notre moteur…. Heureusement, Sainte Rita, toujours disponible et qui compte tant de généreux dévots parmi nos équipiers, est venue à notre secours quand nous avons eu besoin d’elle!


mardi 28 mai 2024

De Saint George à São Jorge : transat Bermudes-Açores

 

L'équipage de la transat-retour: Dominique, Philippe, Antoine et Guillaume

Les Bermudes : L’escale nous avait enchantés il y a 11 ans quand nous rentrions de Cuba ; amarrés exactement au même quai qu’alors, après avoir mouillé dans la baie de Saint George où nous sommes arrivés à 1 heure du matin, nous retrouvons le même enchantement de cette petite ville :ses petites maisons XVIIIème proprettes, édifiées en pierres de corail et recouvertes de toits blancs passés à la chaux pour recueillir l’eau de pluie, qui donnent l’illusion d’un village recouvert de neige : nous sommes sous le charme. A peine débarqués le dimanche 5 mai, après avoir effectué notre clearance d’entrée auprès de la douanière postée sur le quai, très ronde en apparence mais bien carrée dans sa tête et dans son ton, nous allons à la messe rendre grâce à Saint Nicolas et Notre-Dame de Bon Port pour la bonne traversée depuis les Bahamas.

L'accueil musclé de la douanière "ronde et carrée"

Alfred à Saint George, mai 2024....

... le même, en mai 2013

Les deux équipages, entrant et sortant, posent sous le guidon du président du Yacht Club de France

En rentrant de l’église Stella Maris, nous retrouvons près d’Alfred notre nouvel équipage, Antoine, Philippe et Guillaume, qui débarque du taxi venant de l’aéroport : quel timing ! Antoine Arlet, notre cousin germain, connaît bien Alfred pour avoir embarqué plusieurs fois, avec Hélène aux Îles Vierges en 2012, au Brésil en 2016 et au Cap Vert en 2023, ainsi qu’en 2016 pour le convoyage de retour entre les Açores et la Bretagne. Philippe Laurent, autre cousin, trinitain lui aussi, embarque pour la première fois sur Alfred ; nous avions déjà fait une croisière bretonne ensemble sur ‘’Cassiopée’’ dans les années 70. Guillaume Libaudière quant à lui nous avait accompagnés lors du dernier voyage en 2022 sur le trajet Lisbonne-Lanzarote où Frédérique l’avait rejoint pour une courte croisière à Graciosa ; un bon souvenir. C’est donc un équipage costaud et aguerri qui s’apprête à faire ce long morceau de transat, 1800 milles, jusqu’aux Açores.

Le charme des rues de Saint George



Les deux équipages (sept dormeurs) vont partager la vie à bord pendant deux jours avant que Catherine, Yves et Thierry ne prennent leur avion de retour vers la France. Après un déjeuner à bord dès l’arrivée du nouvel équipage le dimanche, chacun a quartier libre, les uns pour aller se promener dans les charmantes ruelles de Saint George, Catherine et Dominique pour la mise en ligne des aventures d’Alfred sur notre blog, pendant qu’Yves s’applique à dessiner les cartes de notre parcours aux Bahamas à joindre au futur article de « taslbonjourdalfred ».

Hamilton, capitale des Bermudes


"I am a gossip and a nag!"

"I repent! !!.... I repent!!!!"

Inspection du gréement dormant

Après une bonne nuit réparatrice pour absorber le jetlag des nouveaux venus, la journée du lundi 6 est consacrée à la préparation d’Alfred pour la transat. La matinée est passée à l’approvisionnement en vivres par Catherine et Yves, pendant que nous nous affairons aux quelques bricoles sur Alfred : révision d’un des winchs du piano, réparation de la fixation d’une latte de grand-voile et montée au mât pour un check-up du gréement dormant. Il reste un peu de temps à Thierry, Antoine, Philippe et Guillaume pour aller faire un rapide tour en bus à Hamilton, capitale des Bermudes, avant de rentrer à bord pour assister à la scénette traditionnelle qui reproduit la sentence réservée autrefois aux mauvaises commères de Saint George accusées de colporter les ragots qui nuisaient à la bonne entente dans le village : la coupable, jugée devant les habitants rassemblés le long du quai et installée sur un siège au bout d’une grande balançoire, portant autour du cou la pancarte infamante « I’am a gossip and a nag », était immergée à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’elle se repente. Ainsi construit-on une communauté villageoise vivant en harmonie… à méditer.

Dernière baignade aux Bermudes

Ah!, le chant des sirènes!!

Tout est prêt pour l’appareillage lundi 6 mai au moment du déjeuner et nous passons l’après-midi à une grande promenade à Saint Catherine Point, distante de 2 kilomètres, et une dernière baignade, moins chaude que ce que nous avons connu naguère mais 23°C tout de même. Dernière bonne soirée, invités par nos deux équipages au restaurant The Wharf, chaudement recommandé par notre amie la douanière (celle, ronde et carrée, qui nous avait vigoureusement accueillis à notre arrivée deux jours plus tôt).

Cap sur les Açores!

La suite de la relation est faite des messages échangés quotidiennement avec Emmanuel qui les diffuse aux familles de l’équipage et nous fait un routage météo parfait ; Merci Manolo, pendant toute cette traversée (ainsi que les autres) tu auras été le cinquième homme du bord !

Philippe

Antoine

Guillaume

Dominique

Mercredi 8 mai : « Distance Açores 1682 milles - distance parcourue depuis l'appareillage 112 milles. Nous avons appareillé hier de Saint Georges (Bermudes) à 16 heures pour profiter de la météo très favorable qui s'annonce pour les six premiers jours de cette traversée de 1800 milles vers Horta. Yves et Catherine nous avaient quittés le matin et, après avoir quitté le quai en fin de matinée nous sommes allés tranquillement au mouillage dans la baie avec Thierry pour un dernier déjeuner à bord. Pleins de GO ensuite à la pompe après un long temps d'attente (un lourd cata américain qui n'en finissait pas de gaver ses réservoirs) puis Thierry nous a quittés dans un grand moment d'émotion partagée pour larguer nos amarres vers 16 heures. Nous faisons route désormais en route directe vers les Açores, d'abord au grand largue sous code zéro puis vent arrière génois tangonné, dans un flux qui devrait nous faire bien avancer dans les jours qui viennent. Au moment du déjeuner au mouillage, nous avons eu une conversation avec un équipage de 4 jeunes Français qui s'apprêtaient à partir vers Horta sur "Serenity", un Halberg Grassy 42 ; il était à 9-10 milles devant nous quand nous sommes sortis de Saint George hier et depuis nous nous suivons, actuellement il est 6 milles devant nous. »


Tentative de réparation de la pompe d'eau de mer...

Hélas!, les joints de rechange ont été remplacés par les trésors de Catherine!

Jeudi 9 mai : « Distance Açores 1534 milles – dist.24h =148 milles. Nous filons bon train depuis le départ plein vent arrière, bien calés sur l'orthodromie à plus de 7 nœuds, avec des pointes à 8-9. La brise d'WSW est bien établie et semble se renforcer petit à petit. Depuis ce matin, le vent commence à tourner un peu vers le Sud, ce qui nous amène à faire un peu plus de nord ; actuellement nous sommes à 20° de la route directe ; ce n'est pas grave, au contraire, car plus nous faisons du nord, plus le vent fraîchit. La pompe d'eau de mer de l'évier qui avait été changée il y a un an au Cap Vert a rendu l'âme hier ; nous l'avons démontée, un des joints du corps de pompe est percé. En recherchant l'ancienne pompe pour en récupérer un joint, Eurêka, nous avons retrouvé la boite d’emballage ! Malheureusement, au lieu de l'ancienne pompe, celle-ci contenait des trésors préservés par Catherine : des coquillages ramassés sur les plages ainsi qu'un pot de miel vide de l'abbaye de Keur Moussa au Sénégal. Plus d'eau de mer à l'évier nous faisons la vaisselle à l'ancienne, dans des sceaux d'eau de mer dans le cockpit. Les quarts de nuit se succèdent de 10h du soir à 8h du matin en tournant chaque jour, Dominique-Guillaume-Antoine-Philippe, 2h30 chacun... cool. "Serenity" a disparu de notre AIS hier après-midi, il faisait une route plus Sud que nous, un mauvais choix à mon avis, nous verrons à Horta qui arrivera le premier... »



Vendredi 10 mai : « Distance Açores 1360 milles – dist.24h =184 milles ! Nous marchons à plein pot, 7,7 nœuds de moyenne pendant les dernières 24 heures !!! Nous étions plein vent arrière tribord amure, génois tangonné sur tribord pratiquement depuis le départ, sans avoir touché aux écoutes depuis 3 jours. Cette route nous menait un peu trop au Nord et nous avons détangonné à midi aujourd'hui pour nous rapprocher de la route directe ; nous faisons désormais route au 90° au grand largue, un peu au Sud de la route directe pour rester un peu à l'écart du passage de la dépression annoncée pour lundi-mardi prochain, qui devrait nous amener du vent passant du Sud au SSE ; nous serons alors mieux placés pour faire route directe vers les Açores. Depuis deux jours, par manque de soleil, nous mettions le moteur 1 heure par jour pour recharger ; désormais au grand largue, l'éolienne marche à nouveau et équilibre à peu près la consommation électrique du bord. Après mercredi, pétole probable et donc moteur sans doute. Le temps a changé depuis hier, ciel complétement couvert et légère bruine : Alfred n'avait pas vu cela depuis six mois ! Le moral à bord est au top, l'équipage est bien nourri grâce à Philippe qui a pris en main la cambuse et la cuisine : hier soir, colombo de crevettes sur son lit de bananes plantin braisées, salades de crudité avec charcuterie aux déjeuners etc... et, bien évidemment, le ti'punch du soir. Merci Catherine pour ton magnifique approvisionnement !



Samedi 11 mai : « Distance Açores 1186 milles – dist.24h =175 milles ! Le vent a bien fraîchi hier à midi et nous avons pris un premier ris de GV pendant 24 heures ; le vent semble mollir un peu et nous venons de le relâcher et marchons à plus de sept nœuds. Les dernières 24 heures ont été exceptionnelles avec des pointes à près de 10 nœuds (7,4 nœuds de moyenne sur 24h), au largue, dans une mer bien formée, assez creuse mais non déferlante et Alfred très stable sur sa route, sans à-coup. Il est encore un peu tôt pour parler d’HPA ; en principe le vent devrait bien mollir à partir de mercredi avec une arrivée probable dans la pétole. Pour Emmanuel, j'ai oublié quand nous étions aux Bermudes de regarder l'info qui suit : dans l'hypothèse où nous arriverions suffisamment tôt pour envisager une escale à Florès avant Horta, peux-tu s'il-te-plaît regarder sur internet si le port de Lajes (au SE de Florès) est aujourd'hui praticable ? Il avait été détruit par une tempête il y a quelque temps. Tout va bien à bord, le Soleil est bien présent, la Lune naissante commence à éclairer le premier quart de nuit. Nous allons changer l'heure du bord et passer en TU-1 (3 heures de décalage avec vous). »

Guillaume

Philippe

Dimanche 12 mai : « Distance Açores 1018 milles – dist.23h =167M ! Nous bénéficions toujours de conditions exceptionnelles pour ce trajet ! ‘’pervou qué ça doure !’’ Le vent s'est maintenu du Sud, bien soutenu force 5 pendant toute la nuit, mais semble venir au SSE en faiblissant ‘’légèrement ; nous gardons toujours une vitesse moyenne plus qu'honorable, 7,3 nœuds de moyenne pendant les dernières 23 heures (changement d'heure du bord hier). Depuis ce matin, nous avons à 7M dans notre Sud l'écho AIS de "Longbow of Itchen", un Anglais de 48 pieds allant de Saint Martin vers Horta et qui semble aller un peu plus vite que nous ; il est convenu avec Mike, son skipper et nouveau copain contacté par VHF, que le premier arrivé paie un pot "chez Peter" à Horta. »

Message de Thierry : « Bonjour Alfred, c’est sympa de vous lire et de voir qu’à part le soleil et la pompe d’eau de mer tout est parfait. La vitesse, la mer, le vent, l’amitié et les petits plats de Philippe. Que ne suis-je resté ! Mon retour s’est bien passé, juste un peu perturbé par les équipiers de Sail GP qui rentraient. Tee-shirt et short, gros bras pour les winchs et gros ventres pour la bière. Mon voisin m’a réveillé plusieurs fois pour aller voir ses potes. Je me réhabitue lentement à la vie qu’on appelle normale. Les gens me paraissent tous énervés. Le pont de l’Ascension bat son plein avec trop de monde. Et surtout le Ti-Punch n’a pas ce goût incomparable qu’il a sur Alfred. Heureusement le temps est chaud et ensoleillé et je me suis baigné à Loctudy dans une mer à 18, délicieuse. Vive la vie (comme dit le capitaine) et vive Alfred ! Amitié ++ et bon vent. »

Préparation du dîner

L'heure du ti'punch

Lundi 13 mai : « Distance Açores 860 milles – dist.24h =158M. Ça-y-est, nous avons franchi la barre des 900 milles à 7 heures ce matin, nous entamons la deuxième moitié de notre traversée ! La brise de SSE a bien fraîchi à force 6 hier après le déjeuner et nous avons progressivement réduit la toile, un premier puis un deuxième ris dans la GV dans l'après-midi, enfin quelques tours dans le génois au moment du dîner. Le vent a commencé à se calmer dans la nuit, renvoyé le génois vers minuit et largué les ris de GV ce matin ; nous filons actuellement à 6-7 nœuds en route directe sur les Açores sous GV et génois ; tout va bien, nous avons vu de nombreux dauphins et, - proximité des Açores ? - nous commençons à voir des physalies. La cambuse est bien gérée, nous avons encore de la salade et aurons des légumes frais pratiquement jusqu'à la fin. Notre réserve de pain s'épuise et le boulanger va se mettre bientôt à son pétrin et son fournil. La réserve de cambusard pour laquelle nous avions un peu d'inquiétude nous amènera jusqu'au bout... serions-nous un équipage plus sobre que les précédents ?... L'AIS de "Longbow of Itchen" nous a accompagnés toute la journée d'hier à 5-7 milles de nous ; il a disparu sur notre avant ce matin (normal, il fait tout de même 48 pieds). Grand Soleil, Lune présente la première partie de la nuit, bonne brise qui, selon Emmanuel, pourrait nous accompagner jusqu'au bout... vive la vie !!! »


Dominique et Antoine

Mardi 14 mai : « Distance Açores 695 milles - dist.24h =170M. Le vent a commencé à refuser hier après-midi, passant du SSE au SE en nous éloignant de 25° de la route directe ; il mollit un peu depuis ce matin et nous faisons route au près/bon-plein à 6 nœuds. Cette allure devrait se maintenir ainsi jusqu'à vendredi quand nous commencerons à ressentir les effets d'une petite dépression qui nous vient d'Amérique et qui devrait nous apporter du vent portant jusqu'à l'arrivée, peut-être dimanche. Nous avons finalement décidé de ne pas nous arrêter à Florès mais d'atterrir d'abord à São Jorge avant l'escale finale à Horta. Toujours de belles journées en mer, du soleil, un peu de nuage mais pas une goutte de pluie. OFNIs et autres : hier, nous avons vu passer à 10m le long du bord un gros fût de 200 litres rouillé émergeant à peine ; il y a quelques jours, le lendemain du départ, c'était une grosse poutre que nous avons heurtée sans dommage ; hier également, nous avons aperçu à deux reprises des baleines. Beijos a todos »

Discussion sur la route à suivre.... tout droit!

Arrivée entre Corvo et Florès....

Ca s'arrose!

Mercredi 15 mai : « Distance Açores 555 milles - dist.24h =149M. Le vent, établi au SE depuis 48 heures et qui va durer pendant les prochaines 24 heures, voire plus, nous oblige à faire route au nord de la route directe. Nous avons largement dépassé la latitude d'Horta (38°30'N) et seront probablement contraints de monter jusqu'à 40° avant de pouvoir faire route directe. Le vent mollit depuis ce matin et à partir de demain nous entrerons dans le mou de l'anticyclone, donc probable pétole en attendant la bascule au S puis SW amenée par la dépression qui tarde un peu à nous rattraper... Si les planètes sont bien alignées, nous pourrions arriver à temps pour la messe de Pentecôte à São Jorge dimanche prochain. Catherine, peux-tu à ce propos regarder à quelle heure et où (Velas ?) nous pourrions avoir cette messe ? Merci d'avoir prié Saint Nicolas et Notre-Dame de Bon Port pour nous donner de bonnes conditions de mer ! Nous allons changer d'heure aujourd'hui et passer en TU. »

Dernière nuit de traversée

Le boulanger attendri  par sa fournée

Jeudi 16 mai : « Distance Açores 428 milles - dist.23h =137M (changement d'heure). Le vent se maintient assez fort de SE depuis hier, force 5, et nous faisons route au près/bon-plein à 25° au nord de la route directe, grand-voile 1 ris + génois. Depuis ce matin, le vent semble adonner légèrement et nous avons pu lofer de 10°. Selon Emmanuel, le vent devrait mollir un peu ce soir en nous rapprochant de la dorsale stationnaire sur les Açores pour terminer probablement en pétole à l'approche de São Jorge. Pas d'arrivée prévisible avant dimanche soir, donc pas de messe du Saint-Esprit pour nous... merci de prier pour les marins le jour de la Pentecôte. La route suivie nous amènera peut-être proches de Florès samedi et peut-être en portée d'échanger avec vous un petit WhatSapp ; nous avons hâte de vous retrouver et vous embrassons. »

Arrivée à Faial

Accueillis par une pluie dense à 1h du matin

Vendredi 17 mai : « Distance Açores 320 milles - dist.24h =116M. Le long galop depuis le départ des Bermudes s'est fortement ralenti hier dans la soirée, d'abord au petit trot puis au pas : Alfred a besoin d'avoine et il n'y en a plus.... donc moteur depuis ce matin à 3h30 pendant le quart d'Antoine. Nous faisons route désormais à vitesse réduite, 4 nœuds, appuyés légèrement sur la GV ; à ce train, nous n'arriverons à São Jorge que lundi, probablement dans l'après-midi. Le côté positif de cette situation est de retrouver un certain confort avec un bateau droit qui bouge peu et des douches à l'eau chaude produite par le moteur. A ce propos, nous sommes toujours sur le premier réservoir d'eau, donc très confortables ; nous avons encore quelques tomates et des choux pour des crudités jusqu'à la fin et nous avons entamé le dernier pain de mie ; la boulange démarre maintenant. Les journées passent vite entre lecture (Antoine commence son cinquième livre) la musique (hier, concert : requiem de Mozart), la préparation des repas (merci Philippe) la plonge (merci Guillaume et Antoine) et la sieste (merci Dominique). »

Le port d'Horta; au fond, Pico

L'art des Calçadas Portuguesas


Vite, une session WhatSapp

Samedi 18 mai : « Distance Açores 196 milles - dist.24h =116M. Le vent (l'avoine) est un peu revenu du Sud depuis ce matin et nous avançons au petit trot depuis ce matin à 6 heures alternant voile et moteur ; la brise semble à peu près établie depuis une heure et devrait se renforcer en adonnant. São Jorge est à 210 milles devant nous et nous pouvons donc espérer une fin de parcours à la voile : moins de 30 heures de moteur sur une traversée il n'y a pas de quoi se plaindre ! Nous devrions passer proches de Florès dans la soirée (peut-être un petit WhatsApp à la sauvette) et arriver à Velas lundi matin. »

Vue de Horta du haut de la Boca da Caldeirinha

Philippe, Guillaume, Antoine


Dimanche 19 mai : « La journée d'hier a été bien attristée par la nouvelle du décès de notre cher cousin Yves. Nous avons décidé de nous diriger vers Faial directement afin qu'Antoine puisse rentrer assez vite à Paris. Cette nuit vers minuit, nous sommes passés à mi-chemin entre Florès et Corvo, bien dégagés avec un ciel très clair et éclairés par la Lune : c'était magnifique. Nous devrions arriver à Horta cette nuit, le port est archi-plein et nous devrons rester au mouillage quelques jours avant que l'on nous affecte une place ; en attendant, nous ferons peut-être un aller-retour à São Jorge avec Philippe et Guillaume avant l'arrivée du nouvel équipage. Ceci est notre dernier message pour cette traversée. Un grand merci Emmanuel pour tes messages météo d'une précision remarquable qui nous ont bien aidé ; à bord d'Alfred, on t'appelle le cinquième équipier ! »

Le phare de Capelinhos



Les vestiges du port baleinier de Capelinhos enseveli sous l'éruption de 1958

De Saint George à São Jorge : le Saint à cheval terrassant le dragon a permis à Alfred, galopant bride sur le coup et voiles débridées, de terrasser l’Atlantique en un peu plus de 12 jours (293 heures à 6,3 nœuds de moyenne). Une transat d’anthologie ! En arrivant en vue d’Horta dans l’après-midi, nous avons la surprise de découvrir l’écho AIS de "Serenity" que nous avions perdu de vue devant nous en quittant les Bermudes : il est sur notre arrière à 25 milles…. Yesss !! Nous passons la Ponta dos Capelinhos, extrémité SE de Faial, le 19 mai un peu avant minuit et arrivons vers 2 heures du matin après avoir contourné l’île par le Sud, pour mouiller devant la marina d’Horta : nous avons appris la veille que le port est plein et qu’il nous faudra attendre un peu avant que l’on nous donne une place au ponton.

São Jorge vu des hauteurs de Faial




Les fresques de Horta laissées par les bateaux de passage

La journée du mardi 20 mai est une journée de farniente ; la petite ville de Horta est endormie en ce lundi de Pentecôte, se remettant sans doute de la fête de la veille : au mois de mai et autour de la Pentecôte, toutes les îles des Açores célèbrent la fête du Saint-Esprit et les dimanches sont des temps de fête ! Nous louons une voiture pour la journée du lendemain mardi afin de faire un tour de Faial avant le départ d’Antoine qui nous quitte le lendemain pour assister aux obsèques d’Yves à Paris. Nous avons de la chance, il fait un temps superbe pour cette balade : passage obligatoire à la Ponta dos Capelinhos où surgit de la mer en 1958, sous les yeux du gardien de phare, un volcan qui mit fin à son emploi, piquenique en route sur un des magnifiques points de vue sur l’île et sur la mer, grimpette jusqu’à la spectaculaire Caldeira de 2km de diamètre qui domine Faial à plus de 1000 mètres, pour finir la journée au Peter’s Café Sport, point de rencontre de tous les marins.

Peter's Café Sport

Procession de la Festa do Espíritu Santo à Horta


Alfred est allé vite pendant cette transat et nous avons du temps devant nous avant la relève de l’équipage. Après le départ d’Antoine mercredi matin, nous repartons d’Horta pour l’île de São Jorge située à une vingtaine de milles pour y passer deux jours. Très différentes des autres de l’archipel, cette île toute en longueur de 50 kilomètres sur 5 est un long plateau volcanique juché à 700 mètres de haut et bordé par des falaises très à-pic. En quelques endroits de l’île se sont formés de larges éboulis, les Fajãs, où se sont implantés quelques villages côtiers et de petits ports où l’on pratiquait naguère, comme sur toutes les îles des Açores, la pêche à la baleine.

Pico au petit matin

Départ vers São Jorge par un temps de cochon


Arrivée à Velas

Surprise! un "Île Disko", sistership d'Ambrym, le bateau de Pierre

Grande balade en voiture le jeudi 7 mai qui nous mène d’abord à la Punta dos Rosais, extrémité Ouest de São Jorge, un promontoire vertigineux où était placée une vigie des baleiniers avec une vue époustouflante. Il fait un temps de cochon, les hauteurs sont complétement bouchées et nous nous réfugions pour le piquenique à la Fajã do Norto Grande ; sous la couverture nuageuse, il n’y pleut pas et Guillaume en profite pour un dernier bain dans une piscine naturelle entre les rochers. Poursuite de la balade en passant par le petit port thonier de Calheta, sur la côte Sud avant un retour à bord en fin de journée, accueillis par les cagarros, ces oiseaux de mer endémiques des Açores qui, perchés sur les falaises qui entourent la marina de Velas et indifférents à la grosse pluie, piaillent toute la soirée de leurs cris qui ressemblent à des pleurs de bébés. 


Vues de  São Jorge


Velas

La marina de Velas

 Ponta dos Rosais



Le retour de São Jorge le lendemain est une belle après-midi de voile pour mes deux compagnons qui tirent leurs derniers bords sur Alfred ; pour fêter cela, ils m’invitent à dîner le soir après un dernier pot chez Peter. Le beau temps s’est bien rétabli et la journée du samedi 25 mai est consacrée à la remise en ordre du bateau, en particulier l’inspection du gréement dormant ; celle-ci montre que le galhauban tribord arrière est abîmé au niveau du sertissage de la première barre de flèche : la réparation est indispensable avant le départ vers la Bretagne, elle sera à faire en même temps que la révision du moteur par l’excellent shipchandler de Horta : Mid Atlantic Yacht Services.  

Départ vers Pico le dernier jour

Nous quittons Horta en ferry

Les rochers de Madalena......

... où se dessine une apparition de Saint Madeleine

La dernière journée aux Açores de Guillaume et Philippe sera une apothéose ! Le soleil est triomphant quand nous prenons le ferry tôt le matin du dimanche pour une belle balade à Pico. L’élégante silhouette du Pico Alto (2350m) est complétement dégagée quand nous approchons du port de Madalena. C’est un superbe tour en voiture qui nous emmène d’abord dans les étonnantes vignes de la côte Sud de l’île faites de toutes petites parcelles contenant chacune quelques pieds de vigne et entourées de murs de pierres sèches, pour produire ce « vin de Pico », plus impressionnant par ce travail incroyable que par ses qualités gustatives.

Les spectaculaires vignes de Pico



Rencontre fortuite des deux équipages: Guillaume, Philippe, Dominique, Philippine et Edouard

Au cours de cette promenade, nous rencontrons Philippine et Edouard, nos neveux et équipiers de la prochaine étape, qui font une petite escapade en amoureux avant de rejoindre bientôt Alfred. Quelques arrêts ensuite, d’abord dans le village de Piedade, à l’Est de l’île, où nous passons au moment de la procession de la Festa do Espíritu Santo, cette fête traditionnelle des Açores qui dure 8 semaines entre Pâques et la Trinité ; nous y déjeunons au bord de la mer avec une vue sublime sur São Jorge. Passage dans l’après-midi par São Roque do Pico qui fut le plus grand port baleinier des Açores et dont l’activité n’a cessé qu’en 1984, à l’entrée du Portugal dans l’Europe ; par chance, le Museu da Industria Baleeira est ouvert (il était fermé à chacun de nos passages précédents d’Alfred) et nous y passons un long moment

Non, le vin de Pico n'est pas de la piquette!

L'usine baleinière de São Roque do Pico

São Roque do Pico

Pico Alto (2350m) 

Madalena

Nous regagnons le ferry à Madalena en fin de journée, pleins d’admiration pour ce grand peuple portugais, et singulièrement les Açoréens, grands découvreurs, intrépides chasseurs de baleines, travaillant une terre apparemment stérile pour produire du vin dans la pierre volcanique de Pico, décorant leurs trottoirs de ces magnifiques calçadas portuguesas et en même temps chaleureux et capables de faire la fête du Saint-Esprit pendant deux mois. Nous rentrons à bord le soir pour leur porter un toast avec un dernier ti’punch avant que mes deux compagnons me quittent.

Yves sur Alfred à Cuba en 2013