vendredi 12 mai 2017

Une transat d'anthologie : Alfred perd sa garde robe et arrive en petite culotte

A Marigot la veille du départ le 21 avril: Dominique, Catherine, Loïc, Foucauld et Claude

L'équipage à l'arrivée à Faial pose devant la Caldeira de Horta 


Une transat d’anthologie en effet, les doigts dans le nez et le vent dans le derrière ! (ce qui vaut tout de même mieux que le contraire…). Pratiquement pas de pétole, une météo conforme aux statistiques de saison et une fin de parcours en apothéose au vent arrière sous trinquette seule, forte brise et forte mer, et au bout du compte une traversée de l’Atlantique en 16 jours et 18 heures à 5,8 nœuds de vitesse moyenne !



Sur la Pilot Chart du mois de mai, la route classique Antilles-Açores: route au NNE au plus près pendant 1000 milles pour passer au Nord de l'anticyclone des Açores jusqu'à atteindre le flux des dépressions, puis route directe en allure portante sur 1300 milles  ers les Açores

La route suivie par Alfred: 2310 milles en 16 jours et 18 heures, 5,8 nœuds de moyenne!

Si l’on regarde les Pilot Charts en fin de période d’alizé, le trajet de retour des Antilles vers la Bretagne comporte deux tronçons de route : une première partie d’environ 1000 milles au plus près au NNE passant à 500 milles à l’Est des Bermudes, puis une deuxième partie du trajet en allure portante d’environ 1300 milles jusqu’aux Açores. Cette route en deux tronçons fait donc environ 2300 milles au lieu des 2180 milles de la route la plus courte.
Départ des Antilles le 21 avril; en arrière plan, les îles de Tintamarre et de Saint-Martin



L'équipage prend ses marques.... Loïc bouquine,
Claude réfléchit,

Foucauld bosse un cours d'économie (eh oui!)
Dominique écoute la Passion selon Saint Jean.






Guidés par un routage quotidien d’Emmanuel depuis la Russie, Alfred a tracé sa route conformément à ce plan de route. Vendredi 21 avril après le déjeuner, nous appareillons de la marina de Marigot (Saint Martin) laissant Catherine nous larguer les amarres sur le quai ; elle rentre en France pour trois semaines et rejoindra Alfred aux Açores.

Loïc et Claude, deux agronomes en mer

Partie de whist dans la pétole au milieu de l'Atlantique



Loïc et Foucauld

Dès l’appareillage de Marigot (Saint Martin) et quelques virements de bord pour contourner l’île d’Anguilla par l’Est, nous touchons un alizé régulier d’ENE force 3-4 qui nous permet de suivre une route au NNE. Ce vent se maintiendra pendant plus d’une semaine, adonnant de temps en temps, nous permettant d’atteindre après 8 jours de navigation au plus près et à la vitesse moyenne de 5 nœuds la latitude des Bermudes. La brise se maintiendra pendant tout le trajet, se renforçant parfois jusqu’à force 6-7, sollicitant le gréement au point que le 25 avril l’attache du point d’écoute du génois se casse. Nous sommes désormais privés de notre bon génois et ferons le reste du chemin avec comme voile d’avant la trinquette pour les vents forts et, pour les petits airs, notre génois n°2 bien fatigué qu’il faudra ménager.





Une tâche quotidienne, le chargement des fichiers météo à midi avec l'Iridium et le routage d'Emmanuel le soir.

Confrontation de recettes de la sauce mayonnaise...

La banane flambée, la recette qui permet d'écluser rapidement 15 kilos de bananes qui murissent toutes en même temps
Le 29 avril, nous arrivons dans une zone de transition et, après quelques heures de pétole que nous passons au moteur, nous commençons à toucher le flux des vents portant qui nous propulseront vers les Açores. Le routage d’Emmanuel nous accompagne, rassurant, pendant cette deuxième partie du trajet. Nous serons d’abord rattrapés par une première dépression, une gentille qui nous dépasse le 1er mai et nous installe d’emblée dans le régime bien familier des côtes bretonnes, avec ses dépressions successives les vents qui les accompagnent, basculant du SW au NW. Alfred frétille d’aise à ces allures et file à 6-7 nœuds de moyenne vers Horta, alignant les journées à 160 milles.







En route directe vers les Açores sous la première dépression
A partir du 5 mai, nous sommes prévenus par Manolo que la traversée va se terminer en apothéose : une dépression s’installe, stationnaire au Nord des Açores, et se creuse en nous préparant un bon baston ! L’équipage est maintenant bien amariné (certains y ont mis le temps…), et nous accueillons cette perspective avec sérénité. Jusqu’à notre arrivée, nous allons avoir un fort coup de vent de SW accompagné d’une mer grosse qui vont nous propulser vers Horta sous grand voile à 2 ris et trinquette. La nuit du 6 au 7 mai sera particulièrement éprouvante, avec une mer devenant déferlante et un vent de force 9 qui se lèvent dans la nuit. A 3h du matin, au moment de la bascule au WNW, nous prenons un troisième ris dans la grand voile, ce qui n’avait jamais été fait sur Alfred, et les auloffées de plus en plus incontrôlables nous obligent à prendre une allure très arrivée qui nous éloigne de la route.







Grand voile à 3 ris et trinquette, Alfred est à l'aise et fonce

Claude, tout aussi à l'aise
Au matin, la brise se calme à force 6 et nous pouvons renvoyer le 2ème ris et le génois : Alfred file à 8 nœuds vers Horta qui n’est plus qu’à 200 milles. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : d’abord, à la suite d’un empannage malencontreux, la grand voile se déchire dans le haut, puis c’est au tour du génois n°2, bien usé, dont une laise commence à se découdre… Alfred terminera sa transat en slip, avec comme seule voile encore en état la fidèle trinquette et c’est dans cette petite tenue que, la brise se renforçant dans la dernière nuit, il partira dans des derniers surfs à 9 nœuds dans sa hâte d’arriver.



Pauvre France!


Trois jours avant l'arrivée, le vent commence à souffler





Nous arrivons à l’île de Faial, devant le môle de Horta lundi 8 mai vers 10 heures très heureux de cette superbe et rapide traversée : Alfred a effectué la première partie du trajet de 1000 milles au plus près à environ 5 nœuds de moyenne, puis avalé la seconde en allure portante à presque 7 nœuds, le tout en un peu plus de 16 jours, soit le temps que nous avions mis il y a 4 ans pour aller des Bermudes à Florès (1700 milles)… belle performance !




Les approches de Faial la veille de l'arrivée.
le matin du 8 mai, Faial dans quelques heures... Alfred, sous trinquettte seule, n'a plus grand chose à de mettre, mais fonce à plus de 8 nœuds .
Arrivés à Horta, notre premier souci est de remettre d’aplomb notre bon Alfred, repriser sa garde robe (deux génois + une grand-voile, excusez du peu !), faire une inspection complète du gréement dormant, réparer quelque points importants comme reprendre l’étanchéité de plusieurs hublots, changer la batterie du moteur etc…

Brochette de septuagénaires devant Faial




Vue de Horta

Foucauld est rassuré : il aura son avion pour être à temps au mariage de Marie-Liesse dont il est témoin… il aura même le temps de visiter l’île le lendemain de l’arrivée où nous ferons un tour de l’île en voiture. Il aura pris toute sa place à bord, d’abord comme bon compagnon d’un équipage dont il aura fait baisser significativement la moyenne d’âge : la veille de son départ, il aura comme convives pour fêter son vingt-huitième anniversaire trois septuagénaires…. Sa place également dans les tâches d’intendant et de cuisinier : jamais il n’oubliera l’heure de l’apéritif du soir et il initiera Loïc à la cuisine à l’huile d’olive. Saluons aussi sa persévérance comme pêcheur : à son palmarès trois prises, une première le lendemain de l’appareillage de Saint Martin, énôôôrme, tellement grosse qu’elle a failli casser la ligne mais qui n’a pas pu être remontée à bord ; quelques jours après un superbe mahi-mahi de 3 kilos qui a fait plusieurs repas de l’équipage ; puis un monstre de barracudas de 8-10 kilos, rejeté à la mer pour suspicion de ciguatera.



Les prises de Foucauld: un monstre de barracuda de 8-10 kilos

Un superbe mahi-mahi (daurade coriphène)...

Servi au dîner le soir même

La parfaite cuissons des spaghettis
A propos d’intendance, l’équipage a voué une grande reconnaissance à Catherine pour le magnifique approvisionnement du bateau : se sentait-elle coupable de nous laisser partir sans elle de Saint Martin ? Elle aura pris soin de nous en faisant le plein de légumes et de salades qui auront duré jusqu’à l’arrivée, et surtout le plein de plaquettes de beurre pour Loïc, qui assume sa bretonitude en en faisant une consommation impressionnante. Le frigo, qui nous avait donné quelques inquiétudes avant le départ, ne nous aura pas fait défaut et nous aurons des vivres frais jusqu’à la fin… et surtout le beurre…


Dominique et Foucauld devant le Capelinhos, volcan surgi des entrailles de la Terre en 1957
Vue en surplomb de la Caldeira du volcan central de Faial (1031 mètres)


Alfred s’est magnifiquement comporté pendant toute la traversée, assez bon marcheur au plus près pendant la première partie, puis rapide et rassurant dans le gros temps pendant la dernière semaine. Certes le gréement et les voiles auront été bien sollicitées mais il aura été véloce jusqu’au bout quand nous n’aurons plus que la trinquette pour l’habiller. Grosse satisfaction aussi sur deux points qui nous avaient tant fait défaut il y a quatre ans lors de la transat de retour des Bermudes : le pilote automatique qui a été très fiable (sauf au plus fort du coup de vent où il a fallu reprendre la barre) et les communications iridium par satellite qui nous a permis d’être toujours en contact avec Catherine, d’être routé tous les jours par Emmanuel et d’avoir tous les jours des fichiers météo.


Foucauld, entouré de vieux sages, fête son 28ème anniversaire

Alfred, bien conservé, nous attend à Horta depuis 4 ans!

Nous nous reposons maintenant dans la marina d’Horta, Foucauld est déjà rentré en France et Claude et Loïc partent le 14 mai ; ils croiseront nos futurs équipiers, Joëlle et Jean-Louis Porchier et Rozenn et Louis Fustier qui arrivent demain pour une croisière dans l’archipel des Açores dès que Catherine sera de retour le 15. D’ici là, nous n’avons comme seule tâche vraiment importante à accomplir celle de rafraichir la fresque d’Alfred peinte il y a quatre ans dont nous avons vérifié l’état  dès notre arrivée : elle est restée superbe et a gardé presque tout son éclat !

Entretien et mise à jour de la fresque...

... proche de la capitainerie d'Horta, elle attend le prochain passage d'Alfred


2 commentaires:

  1. Bravo pour cette traversée. Zan zan est en chemin et arrivera jeudi à Horta. Alfred y sera peut-être encore... Bises de nolwenn,alan et Suzanne

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  2. Bravo à tout l'équipage; quelle traversée fantastique!
    Quand prévoyez-vous d'arriver en France?
    Gros bisous de toute la famille, et grands sourires de Luc!
    Pierre

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