Après le départ d’Emmanuel, de Caroline et de leurs enfants, nous employons notre après-midi du 16 mars à faire des courses à Cienfuegos afin d’être autonomes pendant notre séjour aux Jardins de la Reine où nous ne trouverons rien, sinon notre pêche. Nous appareillons donc dimanche 17 mars à 8 heures avec nos trois nouveaux équipiers, Sophie et François Biette et Isabeau d’Abzac. Nous devons faire escale le lendemain à Trinidad, la ‘’Perla del Sur’’, où notre quatrième équipier, François de la Vigne doit nous rejoindre (nous honorons ainsi l’élection du nouveau Pape avec un équipage composé presque exclusivement de François !).
Pose devant l’église Saint François à Trinidad
Une rue de Trinidad
Rue de Trinidad
Les trésors se méritent, ainsi la découverte de la Perle du Sud : les 40 milles qui séparent Cienfuegos de Casilda (le port de Trinidad) seront parcourus vent debout, par force 6 à 7, sous trinquette et grand-voile au deuxième ris et une mer bien formée (éprouvant pour les estomacs, dixit Sophie). Une traversée dure qui nous amène vers 18 heures à la marina de Casilda, nichée dans un trou de mangrove situé au bout d’un chenal compliqué sinuant entre les hauts fonds ; cette traversée très sportive nous permet d’éprouver une fois encore l’impressionnante force musculaire de François, ‘’mister Winch’’ capable d’étarquer la voile comme jamais elle ne l’a été depuis le départ de la Trinité sur Mer. Notre deuxième François arrive de la Havane pour dîner, en se faisant discret, au moment où nous faisons les formalités de clearance, car les mouvements de passagers ne sont en principe pas possibles sur place : il faudrait, pour être en règle, retourner pour cela à Cienfuegos. Après la traversée musclée que nous venons de faire, cela est hors de question et il sera admis que notre deuxième François sera embarqué comme passager clandestin, néanmoins nourri car nous savons depuis notre croisière aux Seychelles il y a 3 ans qu’il est un grand pêcheur ; il est d’ailleurs venu avec tout son matériel !
Fumeurs de cigares
Plaza Mayor à Trinidad
Musée de Trinidad
Lundi matin, un taxi brinquebalant, une belle américaine, nous emmène à six pour les 12 km qui séparent Casilda de Trinidad. Nous passons la matinée à flâner dans les rues et sur les places de cette petite merveille avant de nous arrêter pour déjeuner dans un joli restaurant où les tables sont servies de façon magnifique, nappes et vaisselle anciennes, disposées dans les pièces à vivre d’une belle maison XXVIIIème ; notre table voisine avec le lit à baldaquins de la chambre à coucher. C’est aussi à Trinidad que nous apprenons une bien mauvaise nouvelle, en arrivant enfin à nous connecter sur internet : le décès de Georges, le papa de Caroline. Nous en sommes bouleversés, nous nous sentons bien loin d’Elza et sommes très tristes pour Caroline qui n’aura pas pu revoir son papa en rentrant de Cuba. Nous rejoignons Alfred en fin d’après-midi puis quittons Casilda pour aller mouiller à la nuit tombée dans Ensanada Masio, baie située à 10 milles au SE, sur le chemin des ‘’Jardines de la Reina’’.
Pose restaurant à Trinidad
Panorama de Trinidad
Les Jardins de la Reine constituent un archipel immense qui s’étend sur 170 milles au Sud-Est de Trinidad jusqu’au Cabo Cruz. Cet archipel est bordé au large par un chapelet d’îles en ligne continue, bancs de sables protégés par une ligne de récifs coralliens, offrant de belles plages vers le large et abritant des labyrinthes de mangrove côté intérieur. Cette ligne d’îles abrite un immense lagon de 30 milles de large en moyenne où le fond est compris entre 10 et 20 mètres et d’où émergent une multiplicité d’îles et de cayes, toutes très basses et que l’on voit au dernier moment : un lieu où l’on vénère le dieu GPS qui permet de savoir où l’on est et le dieu Soleil qui permet de naviguer à la couleur de l’eau.
Isabeau, farniente…
Premier trophée de François
Quittant Ensanada Masio le mardi 19 mars, nous faisons une grande enjambée de 50 milles pour aller mouiller à Cayo Breton, la plus proche des îles qui ferment les Jardins de la Reine. Après une première tentative de mouillage au creux de la mangrove que nous fuyons le soir à cause des ‘’yenyen’’ (moustiques microscopiques horriblement agaçants), nous allons passer la nuit un peu à l’écart, à l’abri du récif.
Le pêcheur en plein combat.
Sophie et François
Sophie à Cinco Balas
Alfred dans les palétuviers
Nous repartons mercredi matin vers Cayo Cuervo, un groupe d’îlets formant un cercle qui entoure un très bon et vaste mouillage de très bonne tenue par fond de 5 mètres. Nous y restons deux jours, dans l’espoir de rencontrer la flottille de crevettiers qui, dit-on, y relâche souvent, et dont les équipages troquent volontiers des bassines pleines de grosses crevettes ou des langoustes contre quelques cannettes de bière ou une bouteille de ‘’ron’’, le rhum cubain. Nous ne verrons pas cette flottille mais en revanche, nous passerons deux magnifiques journées de promenades sur la plage ou les bancs de sable et surtout de plongées sur de très beaux fonds coralliens d’où nous remonterons trois magnifiques langoustes, chacune de plus d’un kilo, qui nous feront deux repas : les queues pour le dîner et les têtes pour le déjeuner du lendemain (certains coéquipiers découvrent que les têtes se mangent, et apprécient …).
La chasse à la langouste
Des langoustes à profusion…
Langoustes
A ce stade du récit et après avoir pris en considération les talents de François-musclor, il convient de rendre un vibrant hommage à François-la-canne, notre brillant pêcheur et passager clandestin . Avec François le pêcheur, Alfred aura traîné en permanence trois lignes, il déploie une activité forcenée à changer les leurres et à démêler les lignes… Au bout du compte, un tableau de chasse tel qu’Alfred n’en a pas encore vu. Beaucoup de poissons dits ‘’à risque’’, c’est-à-dire présumés gratteux (susceptibles d’être porteurs de la ciguatera) qui feront un court passage sur le pont d’Alfred avant d’être rejetés à l’eau : une douzaine de barracudas (certains énormes), trois carangues ‘’gros yeux’’, et une superbe ‘’vieille rouge’’ de cinq kilos. Heureusement, nous remonterons aussi de délicieux poissons qui seront accommodés de façons variées et originales (par exemple le carppaccio au jus d’orange) pour le plus grand délice de l’équipage : un tazard, un thon, quatre ‘’sauteux’’ ou spanish mackerel......à déguster avec le pain frais "fait bateau".
Sophie et François à Cinco Balas
Isabeau la Sirène
Jardins de la Reine "sous l'eau"
Les poissons dans le jardin
Nous sommes déjà le samedi 23 mars quand nous quittons Cayo Cuervo pour retourner en exploration des grandes îles extérieures des Jardins de la Reine. Nous mouillons le soir dans le canal de Piedra Grande, situé entre Cayo-Boca de Piedra Chicita et Cayo-Boca de la Piedra dos Pilotos, où l’on trouve un courant de marée impressionnant : alors que les hauteurs de marées sont très faibles (environ 20 cm), le remplissage et le vidage de l’immense lagon des Jardins de la Reine génèrent des courants d’une force inattendue dans les rares passes.
Une superbe vieille rouge
Sauteux ou spanish mackerel
Coucher de soleil sur la mangrove dans la passe de Piedra Grande
Isabeau à la barre
En dehors de la pêche, une autre activité occupe une grande place lors de nos pérégrinations : les échanges de vues musclés entre des débatteurs talentueux, (François, François et Sophie), qui permettent à Isabeau de vérifier, si elle ne le savait déjà, que la mauvaise foi n’étouffe pas ! Aucun sujet n’est tabou : les fonctionnaires, le mariage pour tous, l’élection du Pape, la politique évidemment… mais aussi l’épître au Philippiens (chap 2), le texte de dimanche, démontrant que même les thèmes les plus rassembleurs de l’Evangile peuvent être utilement détournés pour alimenter le champ de bataille… qui se termine toujours autour du ty’punch où l’on savoure l’amitié ... avec ou sans anéantissement!.
Dimanche des Rameaux : Louange sur la plage avant.
Vendredi sur son île
Catherine
Ah, je te veux sous les pas,
je te veux sous les lés,
les palétuviers roses....
je te veux sous les lés,
les palétuviers roses....
Aimons-nous sous les patus,
prends-moi sous les laitues,
aimons-nous sous l’évier!!!
prends-moi sous les laitues,
aimons-nous sous l’évier!!!
Notre balade dans les Jardins nous a éloignés de Cienfuegos et il est temps de songer à faire les 120 milles pour rejoindre le port. Après une dernière baignade dimanche après-midi sur la plage de Cayo Alcatracito, nous appareillons dimanche soir pour une belle navigation de nuit sous une lune presque pleine.
Végétation des îles des Jardins de la Reine, où se cachent les iguanes et les singes
Alfred au mouillage aux Jardins de la Reine
L’équipage conduit par une bonne étoile