samedi 15 juin 2013

Cap sur la Trin’ - Ça sent l’écurie !

Plaça da Republica: les portes de la ville de Ponta Delgada
Fenêtre néo-manueline

Mardi 4 juin, au  lendemain de leur arrivée, Jean-Luc, François et Antoine font une brève visite de Ponta Delgada. La marina est très bien équipée et en plein centre-ville, ce qui est bien commode pour ce tourisme rapide et les petites emplettes. Pendant ce temps, Dominique et Jean-François, qui connait bien Ponta Delgada pour y être venu en vacances l’année dernière, vont faire les dernières courses de fruits et légumes chez Continente, la grande chaîne d’hypermarchés portugais.
 
Balcon d'un palais de Ponta Delgada
Calçadas des trottoirs de la rue
Sous-bois au bord du lac de Furnas

Nous désirons profiter de notre petite voiture pour faire une visite rapide de l’île en repassant sur les lieux visités il y a deux jours avec Caroline et Jérôme. Malheureusement le temps est affreux : un lourd crachin bien mouillant et opaque couvre complètement São Miguel, nous cachant les magnifiques paysages de l’île. Nous apprécions néanmoins la visite du parc botanique de Furnas, planté au 19ème  par le consul de Grande-Bretagne autour de sa résidence et devenu magnifique, avec son grand bassin d’eau volcanique chaude bordé d’araucarias somptueux, ses rivières et ses jardins clos remplis de fleurs et de fougères arborescentes et ses grandes allées de Gingko biloba (le seul arbre qui, dit-on,  ait résisté à Hiroshima).


Allée de Gingko Biloba du jardin botanique de Furnas
Fougères arborescentes
La végétation luxuriante du jardin de Furnas
Avant de rentrer et malgré le temps couvert, nous tentons notre chance au sommet du volcan des Sept Cités pour tenter de saisir l’admirable vue sur les deux lacs, Lagoa Verde et Lagoa Azul : Le temps est complétement bouché et nous ne voyons rien… Nous trompons notre déception en allant visiter un lieu étrange : les vestiges du palace cinq étoiles construit sur ce promontoire pour de riches clients attirés par cette admirable vue. Il faut croire que cette vue se montre rarement car le prestigieux hôtel ‘Monte Palace’  a fait faillite aussitôt construit pour agoniser lamentablement sous les coups des vandales : il en reste un lieu étrange et inquiétant qui pourrait être le lieu de tournage d’un thriller… Nous nous remettons de cette atmosphère ‘gore’ et nous consolons de cette purée de pois en allant le soir, invités par nos nouveaux équipiers, dîner dans un bon resto de Ponta Delgada et profiter une dernière fois de la gastronomie portugaise.

L'hotel 5 étoiles Monte Palace, un lieu glauque....

... et dévasté...

Situation météo au moment du départ.
 


L'équipage au départ de Ponta Delgada
Départ le lendemain mercredi vers midi, par un temps splendide et un vent de NNE qui nous déhale le long de la côte sud de São Miguel pendant l’après-midi. Nous sortons du fetch de l’île au milieu de l’après-midi et faisons route tranquillement au près tribord amures au 070° vers La Trinité située à 1170 milles au 050°.
Dernière vue de Sao Miguel


Antoine et Jean-François: cap sur la Bretagne!
 

François à la barre d'Alfred

Les quarts s’installent dès la première nuit tels qu’ils resteront pendant toute la traversée, François prenant le premier quart de 22h à minuit, puis Antoine de minuit à 2h, Dominique de 2 à 4, Jean-François de 4 à 6 et Jean-Luc de 6 à 8. Pendant la journée du jeudi 6 juin, nous faisons deux belles rencontres ; c’est d’abord un groupe de trois baleines magnifiques, probablement des baleines bleues, dont nous voyons longuement et distinctement les dos et les souffles et que nous arrivons à approcher à  100 mètres. Dans l’après-midi, nous croisons un navigateur solitaire en route vers les Açores qui a l’air d’avoir besoin de compagnie et se montre très bavard sur la VHF ; il navigue sur Roma, une jonque improbable à deux mats, et nous nous détournons pour le croiser à 20 mètres et lui adresser un salut fraternel !
Baleine bleue perdue sur fond bleu.
Navigateur solitaire sur sa jonque

Le vent reste établi entre le NNE et le NNW pendant les trois premiers jours, du jeudi 6 au samedi 8 juin, nous permettant de suivre une route passant progressivement du 90° au 60°, ce qui nous éloigne un peu de la route directe. Dès le début de la traversée, Emmanuel nous envoie tous les jours un routing et une description générale de la situation météorologique. Nous complétons ces informations par les fichiers Grib qui nous donnent l’évolution du vent localement, sur la route prévue d’Alfred sur 72 heures, grâce à l’Iridium qui, sentant la fin du périple, est d’humeur coopérante. Emmanuel nous annonce le passage d’une dépression qui, après les trois premiers jours, devrait nous donner une bonne brise de Suroît qui devrait nous accompagner pratiquement jusqu’à la Bretagne.

Antoine
 
Dominique
Jean-Luc plongé dans sa lecture.


Jean-François
Extrait du journal de bord du 9 juin: La Trinité, 769 milles
 
Ses prévisions se réalisent avec une exactitude quasi-parfaite : dans l’après-midi du dimanche 9 juin, alors que nous sommes à 700 milles de la Trinité et à la latitude du milieu du Portugal, le vent passe à l’WSW puis au SW, nous permettant d’établir le génois tangonné, grand-voile bâbord amures. Le lendemain lundi, le vent passe au SSW en forcissant jusqu’à force 6. La mer reste très praticable et Alfred fait bonne route au 30°, ce qui nous permet de revenir sur la route directe.

François au quart de nuit ...

... et François au quart de jour.
Position le 9 juin
A partir du lundi 10 juin, à la moitié du trajet, nous observons successivement les passages de deux dépressions secondaires annoncées par Emmanuel, qui entretiendront le flux de secteur SW pratiquement jusqu’à l’arrivée. La première de ces dépressions nous dépasse le mardi, le vent passant au SSW avant de revenir à l’WSW pendant la journée du lendemain. Alfred gagne sur la route directe plein vent-arrière en suivant le vent et sans toucher aux écoutes, à la cadence de 140 milles par jour.

Comment piloter un poids lourd de 10 tonnes lancé par force 7!
 
Réception du routing de Manolo et du fichier météo par l'Iridium.
Une deuxième dépression secondaire, plus costaude, nous touche presque aussitôt, nous apportant une brise de SW assez forte, de force 7, pendant toute la journée du mercredi 12 juin. Sous grand-voile réduite à un ris et génois n°2 tangonné, Alfred avale sans coup férir la route  au rythme de 160 milles par jour.
Jean-Luc imperturbable dans le baston
Relève de barre par Antoine.
Cours de navigation astronomique.

La route maritime des cargos, de la pointe de Bretagne à la Galice, est franchie dans la nuit du mercredi au jeudi alors que le vent tourne progressivement à l’Ouest en restant soutenu mais permettant de renvoyer toute la toile. Le trafic est incroyablement dense et nous voyons jusqu’à 30 navires simultanément sur l’AIS. Alfred arrive néanmoins à se faufiler au travers du rail montant mais bute sur le passage du rail descendant : il nous faut manœuvrer in extremis pour le Seago Piraeus, un porte conteneur de 300m qui passe dans la nuit à moins de 1000 m d’Alfred : vu de près, c’est un beau morceau !


Décidément, les thons du golfe de Gascogne ne sont pas dignes
de cette fine canne qu'est Antoine. Dommage, tant pis pour eux !
Jeudi 13 juin à midi, nous ne sommes plus qu’à 140 milles de La Trinité et un grand soleil nous accueille dans le Golfe de Gascogne ; pendant qu’Alfred, sentant l’écurie, avance tout seul vers Belle-Île, Antoine se lance dans le ‘’mitonnage’’ d’un clafouti aux pruneaux : un triomphe acclamé par l’équipage ! Un équipage pourtant devenu difficile en raison de la qualité de l’ordinaire, rehaussé par les fromages de qualité, les jambons de terroir et autres saucissons de derrière les fagots, les chocolats fins, sans parler des vins… dont la cambuse avait été largement provisionnés par des équipiers ‘fines gueules’…

Jean-François et François s'étripent au Scrabble.
Ca commence à sentir la Bretagne!

Le triomphe modeste de Mister Clafouti !


Comme s’il hésitait à rentrer trop vite au port après ce périple de neuf mois autour de l’Atlantique, Alfred ralentit l’allure et, accompagné par un banc de dauphins qui jouent autour de lui, se traîne paresseusement vers la Baie de Quiberon dans la brise mollissante du soir de ce 13 juin; il est heureux de rentrer mais ne peut s’empêcher de regarder en arrière avec nostalgie … vers Lisbonne … vers São Vicente …. vers la Barbade … vers la Martinique … vers Cuba … vers les Bermudes …. Dis ! Quand est-ce qu’on y retourne ?

 
L'accueil des dauphins du golfe de Gascogne
 
 
L"équipage à l'arrivée au ponton de la Trinité, vendredi 14 juin à 18 heures.
 

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