mercredi 24 octobre 2012

De Lisbonne à Madère


Adieu à la tour de Belém...

et à la place du Commerce

Cette relation de notre traversée de Lisbonne à Madère commence par une amende honorable envers nos trois équipiers, Mathilde, Thomas et Paul : Il leur avait été vendu, pour les attirer, une traversée sereine, poussée par les « alizés portugaises », avec une brise soutenue mais raisonnable, portante de bout en bout sur le trajet. La réalité, entre le marteau d’Eole et l’enclume de Poséidon, a été assez différente : nous avons vécu ensemble, pendant 4 jours et 4 nuits une belle expérience maritime…. J’espère néanmoins qu’ils ne retiendront que la « belle expérience » et me pardonneront cette tromperie bien involontaire.

Tout est bien arrimé pour le départ....

.... évolution du bel ordonnancement...
Nous avons un peu précipité notre départ de Lisbonne le lundi 15 octobre, à l’annonce de la météo des fichiers GRIB qui prévoyaient, pour la fin de la semaine, un coup de vent sur Madère, avec des vents contraires de SW ; il fallait que nous arrivions avant, donc partir tout de suite.



Peu après l’arrivée de Mathilde, Thomas et Paul à l’heure du déjeuner, Alfred quittait le dock d’Alcantara lundi vers 16 heures. Après un dernier salut à la Place du Commerce (la plus belle place d’Europe selon Valéry Larbaud), puis à la Tour de Belém, le bateau prenait son cap au 230° vers Madère, au grand largue à 7-8 nœuds jusqu’à la nuit. Après le passage du rail, peu encombré, la première nuit s’est achevée dans la calmasse, au moteur, et le Cap de Roca (la pointe la plus occidentale du continent européen) était perdu de vue avant minuit : adieu l’Europe, notre voyage commence vraiment !




Au matin du 16, le vent contraire s’est levé (vent debout !), bien avant les prévisions GRIB. Nous sommes partis alors pour 36 heures de plus près, bâbord amures au 250°-280° puis tribord amures au 180°-205°. Le bateau marchait bien, avec un vent constant de 20-25 nœuds tournant à l’W, grand voile à un ris et génois n°3.

Dans l'action,...

et après l'action.

Dans la nuit du mardi 17, cependant, étant tribord amures, nous avons constaté les mêmes entrées d’eau que celles que nous avions subies pendant la traversée du golfe de Gascogne, avec un bateau lourd de l’avant, soulageant mal, malgré le déplacement de poids fait à l’escale de Lisbonne. Manifestement, le colmatage des fuites des hublots de pont n’était pas suffisant et le diagnostic n’était pas le bon…



Les 48 heures qui ont suivi le passage du front froid dans la nuit du 18 octobre, avec une brise adonnante de plus en plus forte, ont permis de faire route directe sur Madère au 240°, avec un triangle avant très réduit et une grand voile au 2ème ris. Alfred marchait alors assez vite (7-8 nœuds) tribord amures, mais avec un pont inondé en permanence et des entrées d’eau qui rendaient la vie à l’intérieur difficile… Mais cela n’aura pas entamé le moral de nos équipiers qui ont été super, ni la gaieté permanente Mathilde, ni les talents culinaires de Thomas (ah !, l’omelette de jeudi soir !), ni le souci de Paul de rappeler avec constance l’heure de l’apéro du soir (bière fraîche et zakouskis), quelles que soient les circonstances… circonstances pourtant rudes, avec, dans la nuit du jeudi au vendredi, plusieurs grains très violents de force 9 (plus de 45 nœuds) et le ciel illuminé d’éclairs.

Thomas barre dans le grain...

...puis prépare la ratatouille

La pêche du jour: un calamar trouvé sur le pont .

Maaammaann!!

Mathilde aux peluche avec le sourire en prime.


Le cap Sao Lorenço

L’île Porto Santo était reconnue au jour vendredi matin et nous passions vers 15 heures la pointe de São Lorenço (pointe E de Madère) avant de nous amarrer à un ponton de la marina de Quinta do Lorde, car le port de Funchal était plein. Dès notre arrivée, une « crossing the Atlantic party » était organisée entre tous les navigateurs de passage de toutes nationalités qui sont dans le port, chaque équipage apportant sa bouteille et ses amuse-gueules à partager ensemble. Il était agréable de se laisser aller à l’illusion que cette ribote était faite en notre honneur….
Même si l’endroit n’est pas très rock n’ roll, nous sommes bien dans cette marina de Quinta do Lorde. C’est un village chic construit de toute pièce, une sorte de Port Grimaud à flanc de falaise, implanté à l’extrémité E de l’île, dans une partie désertique.


Arrivée à Quinta do Lorde

Au total, nous avons parcouru en ligne directe environ 520 milles en 4 jours (5,4 nœuds de moyenne), avec une première moitié au plus près à 4 nœuds en ligne droite, et une deuxième moitié au largue à 6-7 nœuds. Pratiquement, nous avons sûrement fait plus de 700 milles sur la route réelle.
- la première observation est qu’Alfred se comporte très bien dans la grosse brise (plus de 30 nœuds), en étant très raide à la toile. En outre, l’éolienne joue bien son office et étale parfaitement la consommation en énergie du pilote automatique, voire du frigo.
- l’enseignement principal concerne l’entrée d’eau qui m’aura un peu miné le moral pendant ces 4 jours. Nous espérons l’avoir désormais vraiment identifiée : les trous d’évacuation du puits à chaîne à l’avant étaient partiellement colmatés et l’eau s’évacuait mal, de sorte que, dans la mer formée, le compartiment ne s’évacuait pas. Alfred traînait donc en permanence quelques 200 litres (200 kilos !) de flotte à l’avant, ce qui explique le mauvais comportement du bateau. De plus, dans ce compartiment se trouve le guindeau (installé à Lisbonne il y a 4 ans) alimenté par des câbles électriques qui traversent la cloison qui aurait dû être étanche…. elle ne l’était pas, ce qui explique cette entrée permanente d’eau , en particulier quand le bateau gîtait sur bâbord.

Bon canote!

J’en tire deux leçons. D’abord, malgré la précipitation du départ, je n’ai pas pris la précaution de visiter le puits de chaîne avant le départ de la Trinité ; j’aurais constaté qu’il n’était pas propre. Ensuite, et surtout, j’aurais dû aller au bout de mes investigations, lors de l’escale à Lisbonne, sur l’origine de cette entrée d’eau qui nous avait déjà gâché la traversée du Golfe de Gascogne, et ne pas me contenter d’une explication liée à l’étanchéité des hublots de pont.

Clémentine
Clémentine, qui est venue rejoindre Paul à Madère pour une semaine, nous dit que cela lui paraît normal : il faut bien deux étapes pour bien mesurer les faiblesses et les manques du bateau et y remédier. Nous voulons bien la croire et penser qu’une troisième étape ne sera pas nécessaire et, en attendant, nous rêvons d’un bateau étanche… (ah, naviguer dans une bouteille !).

La mère Denis étend son linge


3 commentaires:

  1. Et bien ce "rodage mouillé" n'est manifestement pas de tout repos, mais au vu des mines réjouies de chacun, ces moments partagés resteront peut-être parmi les meilleurs ? Boa Vida !

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    1. je confirme! c'etait super! Merci Dominique, Catherine, Paul,Thomas, et Alfred!

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    2. Pareil ! Encore merci pour cette superbe expérience ! Bonne route à Alfred, à ses deux permanents si accueillants, et à tous les stagiaires temporaires qui ont prévus de s'y succéder !

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